Intermède

Chant [562.562.34.98.1.335].[49.32.654.12.8787.453.765.14.2.65].[16.544:5.37:518]:
Les singes font partie des êtres vivant sur les continents qui n’ont donc pas fait le choix béni de retourner dans les océans. Ils ont évolué au sein des mystérieuses étendues forestières du continent qu’ils nomment Afrique à partir d’espèces banales ne possédant aucune caractéristique particulière qui leur aurait permis soit de nager dans les océans, ni même de voler comme les oiseaux ou de courir. Tout au plus leurs ancêtres possédaient-ils des extrémités de membres adaptés à la saisie des branches de ces végétaux coraillescents dont sont essentiellement composées les forêts continentales. Cela leur permettait de se hisser maladroitement dans ces arbres afin de tenter d’échapper à leurs prédateurs.
Nous ne savons presque rien de leur existence dans ces forêts. Peut-être certains des chants perdus contenaient-ils des informations plus détaillées. Comment sont-ils parvenus, contre toute logique, à évoluer des cerveaux presque aussi sophistiqués que ceux des peuples de la mer ? Nous l’ignorons également.
Suite à des circonstances tout aussi mystérieuses, ils ont muté en une espèce invasive qui les fit quitter leur écosystème originel et se répandre sur tous les continents. Le chant [562.562.45.17.4].[354.712.1.262].[11.567:9.45:357] émet l’hypothèse qu’il existait de nombreuses espèces de singes à gros cerveau évoluant simultanément. Les desseins du hasard étant impénétrables, nous ne saurons jamais comment cette espèce particulière vint à se retrouver la seule espèce à haut coefficient cognitif hors des océans. Peut-être sont-ils les seuls à avoir su s’adapter aux aléas climatiques. Peut-être leur agressivité sans équivalent les a-t-elle poussés à éradiquer leurs semblables de la planète, comme ils ont failli le faire avec les peuples de la mer.
Durant des dizaines de milliers de générations, nos seuls contacts avec les singes se limitaient à une observation curieuse à distance, nous dans l’eau, eux sur les plages. En ces temps-là, ils semblaient ressentir une crainte mêlée de fascination pour les océans. Ils ne s’y risquaient qu’à quelques mètres du rivage, se contentant de récolter des coquillages pour se nourrir, de lécher les rochers émergents pour absorber les sels et autres minéraux que les vagues y ont déposés. Ils s’y rendaient également sans raison apparente, souvent au coucher du soleil, y trouvant peut-être une satisfaction esthétique.
Parfois, ils servirent de nourriture à ces grands dauphins carnassiers qui n’hésitent pas à se laisser échouer sur les plages dans l’espoir de saisir le bon repas imprudent qui s’y aventurerait. Mais les singes apprennent vite, cette participation dans le rôle principal à ces festins devint exceptionnelle.
Très récemment, il n’y a de cela que quelques centaines de générations, surmontant leur crainte, ils utilisèrent des sortes de troncs flottants pour s’aventurer sur les flots. Se contentant d’abord de longer les côtes, ils s’enhardirent rapidement et on les retrouva finalement partout à la surface des océans. Pour notre plus grand malheur, peut-être dans un esprit de vengeance, peut-être pour nourrir leur population qui connaissait une croissance effrénée, ils troquèrent leur rôle de proie contre celui de prédateur. 
Puis advint la Grande Pollution, dont nous apprendrons par la suite qu’ils en étaient directement responsables. Alors, seuls les insouciants pensaient encore que les peuples de la mer parviendraient à survivre à la plus grande menace que les chants aient jamais rapportée.
Heureusement, par un de ces aléas dont le hasard est friand, le comportement des singes changea du tout au tout. Peut-être ont-ils réalisé l’impasse dans laquelle ils précipitaient leur espèce ainsi que toutes celles avec lesquelles ils vivaient sur cette planète. Depuis, ils s’évertuent, dans leur grande majorité, à préserver ce qui peut encore l’être et à réparer, là où c’est possible, les dégâts qu’ils ont occasionnés. À cette fin, ils utilisent cette même technologie qui est à l’origine de tous nos malheurs, cette technologie qui leur a permis de s’élancer sur les flots et qui leur permet même de nager entre les planètes.
La nature inconséquente et primitive des singes a failli causer notre perte, mais les peuples de la mer ne sont pas rancuniers. Certains de nos semblables envisagent de recourir à la technologie simiesque pour nager eux-mêmes hors des océans, voire vers les étoiles.

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