18 – Là-haut sur la montagne

Après un p’tit déj copieux, nous nous apprêtons à partir à l’assaut de la plus haute montagne de l’ile principale de Sèches Ailes, qui culmine à l’altitude phénoménale de 900 mètres au-dessus du niveau de la mer. Nous sommes six à avoir décidé de nous élever au-delà des contingences de la vie maritime : Tong, Koulienne, Tienou, Noul, Pilane et moi. Certains membres de l’équipage se seraient volontiers joints à nous, mais ont été retenus à bord par leurs occupations. D’autres frissonnaient de dégout rien qu’à l’idée de se retrouver à plus de dix mètres d’altitude. Et le reste a accueilli la proposition de balade par un simple haussement d’épaules.
Par contre, apprenant que nous allions à l’intérieur des terres, Jimini est sorti de sa cachette et trône à nouveau fièrement sur mon épaule. Je conserve néanmoins Ariel autour du cou, le pendentif que m’avait offert Tynuï, la fille de Pilane et qui me sert de mentor dans les conditions « humides » que Jimini n’a pas le cran d’affronter.
Nous attendons sur le quai l’arrivée de notre guide, Toni, le pirate musicien. Il est en retard. Petit à petit, un sentiment d’impatience s’installe dans le groupe. Pilane finit par consulter le Réseau par l’intermédiaire de son mentor pour obtenir des nouvelles de Toni.
— Toni a eu un petit problème technique. Il est désolé pour son retard. Il arrive à l’instant.
En effet, alors que Pilane termine sa phrase, j’aperçois un type à vélo qui dévale la rue principale à toute biture et qui nous fait de grands signes. Une petite remorque est accrochée à sa bicyclette. Les pavés la secouent et font danser son contenu. Il est fou de lâcher le guidon dans cette pente cahoteuse. Toni devrait ralentir à l’approche du quai, s’il ne veut pas finir sa course dans la flotte. Arrivant à notre hauteur, il effectue un superbe dérapage plus ou moins contrôlé à 180° et s’immobilise avec un grand ouf de soulagement. La remorque manque de se renverser.
— Pfiouh ! J’ai bien cru que j’allais finir au jus ! Saleté de bécane ! Non seulement sa batterie défectueuse m’a forcé à effectuer l’ascension du col à la force des jarrets, mais ses freins sont complètement nazes.
Vexé par ces critiques, le vélo se rebiffe.
— Merci pour les compliments ! Est-ce ma faute si Monsieur ne s’est pas lavé les oreilles ce matin et n’a pas entendu mes avertissements ? Je t’avais bien dit que j’étais en attente de maintenance.
Toni éclate d’un gros rire bien gras.
— Ha ! Ha ! Ha ! Allez, vas-y ! Ronchonne un bon coup, ma belle ! Ça te fera du bien. Ha ! Ha ! Ha ! Ha !
Il saisit les trois petits sacs à dos qui gisent dans la remorque et m’en confie un. Il remet les deux autres à Tong et à Noul.
— Prenez-en soin ! Il y a notre ravitaillement à l’intérieur.
Abandonnant le vélo sur place, au milieu du quai, il se dirige vers une ruelle étroite, coincée entre deux bâtiments et qui semble offrir un passage vers les contreforts de la montagne.
— Eh ! Tu ne vas tout de même pas me laisser là comme ça ? J’ai un rendez-vous avec la maintenance, moi.
En riant, Toni fait un grand geste du bras pour nous enjoindre à le suivre.
— Allez, venez ! Laissons cette grincheuse bouder dans son coin. Si nous voulons arriver au sommet avant midi, il ne faut pas trainer.
Nous nous engageons à sa suite dans la ruelle, si étroite que nous devons avancer à la queue leu leu. Derrière nous, la bécane continue à épancher son ressentiment à l’égard de notre guide. Heureusement, nous n’en entendons plus que des bribes.
— … fait pas de traiter ainsi un honnête véhicule. Attend seulement que ton mentor t’en…
La petite rue serpente à plat entre les constructions jusqu’à la limite de la ville. Elle devient ensuite un sentier qui s’engage dans la forêt. D’abord en pente douce, il se transforme rapidement en un escalier irrégulier et tortueux.
Une trentaine de mètres plus haut, nous arrivons à une petite corniche ouverte sur la mer et équipée d’un banc de silicarbone imitation bois. Sur celui-ci est assis un robot de téléprésence. Je pense immédiatement à Morgane Leganec, la Lunienne. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’elle ? Non, c’est improbable. Il y a de nombreux habitants du système solaire qui doivent être tentés par une balade sur Terre. Il pourrait même s’agir d’un zérogé. À notre approche, le robot se lève et, d’un pas hésitant, vient à notre rencontre. Sans hésiter, Noul se défait de son sac à dos et le tend au robot.
— Hé ! Le robot ! Rends-toi utile ! Porte-moi ce sac ! Moi, j’en ai plein le dos.
Koulienne lui rabaisse prestement le bras.
— Ça va pas, non ? Tu ne vois pas qu’il s’agit d’un robot de téléprésence? Il est commandé par une personne, située ailleurs sur Terre, dans une station orbitale ou même sur la Lune.
— Ben quoi? Dans tous les cas, il ne devra pas réellement subir le poids du sac. Il peut bien faire ça pour moi.
— Et puis, comment peux-tu seulement lui donner un ordre? Même à un vrai robot, tu ne pourrais que lui demander humblement de te rendre ce service. Alors, donner des ordres, de plus à un humain, c’est totalement inconvenant.
Elle s’adresse maintenant au robot de téléprésence.
— J’espère que tu accepteras de lui pardonner son impertinence. Il s’agit d’un adolescent un peu inadapté qui est en stage dans notre noeud.
Si Noul est considéré comme un ado à problèmes, comment pourrait-on qualifier certains jeunes de l’Éclosion?
Le robot ne semble pas s’en émouvoir.
— Cela n’est rien. Nos juvéniles sont encore bien moins respectueux des usages que les vôtres.
Il balaie du regard notre petite troupe.
— Puis-je me joindre à vous pour me promener sur la montagne ?
Toni hausse les épaules.
— Bien évidemment. Cette montagne n’appartient à personne et notre noeud de circonstance n’est pas exclusif. Bienvenue parmi nous.
Nous nous remettons en route. Le robot nous suit en silence. Il avance d’une démarche hésitante et est parfois sujet à de violents spasmes. Je pensais qu’il se présenterait, mais il semble vouloir conserver son anonymat. Un instant, j’envisage de me renseigner auprès du Réseau, mais j’y renonce finalement. Sans doute un reste de mon respect de la sphère privée. Si la personne qui utilise ce robot pour se promener ici ne veut pas mettre son identité en avant, c’est son droit.
Pilane n’est pas de mon époque, elle ne semble pas satisfaite par cet état d’ignorance. Je la vois qui consulte discrètement son mentor. Elle a dû se rendre compte que je l’observais, car elle me fait un sourire mystérieux. Mais je ne suis pas ici pour me lancer dans un roman d’espionnage. Je suis ici pour apprécier la nature, les balades en forêt et un relief un peu plus accentué et varié que celui, monotone, de la houle sur la surface de l’océan.
Alors, je laisse mon esprit s’échapper de mon crâne et aller vagabonder au sein de la dense végétation qui couvre les flancs de la montagne. La forêt ressemble beaucoup à celles de La Fournaise, bien que de nombreuses essences soient différentes, probablement endémiques. Comme partout ailleurs dans les régions tropicales, je suppose, il y a de nombreuses espèces de palmiers. Mais la plante qui me fascine le plus, c’est la fougère arborescente. Ça doit me venir de mon enfance. Lors des balades en forêt, on m’avait montré de drôles de petites plantes qui s’enroulaient sur elles-mêmes en spirales. On m’avait dit que ces plantes étaient très vieilles, qu’il y en avait déjà du temps des dinosaures, mais qu’alors, elles étaient énormes, grandes comme des arbres. J’en avais conclu qu’aujourd’hui ne survivaient plus que ces variétés chétives de nos forêts européennes. Alors, lorsque j’en aperçois qui mesurent plusieurs mètres de haut, avec des troncs bien rigides, je m’imagine toujours deviner derrière eux la silhouette d’un reptile géant. Peut-être leurs fantômes hantent-ils toujours les brumes qui remontent les flancs des vallées au petit matin.
Nous marchons depuis plus de cinq minutes lorsque le robot de téléprésence ralentit son pas et me laisse le rattraper. Arrivé à mon niveau, il tourne sa tête synthétique vers moi et ajuste ses optiques dans ma direction. Les robots de téléprésence ne sont que grossièrement humanoïdes, beaucoup moins que les vrais robots. Ils ressemblent beaucoup aux robots industriels de mon époque. Ils me font penser à Radar, le robot qui semait la terreur dans une des toutes premières aventures de Spirou et Fantasio dessinées par Franquin. Je crois que c’est pour qu’on ne tente pas de leur attribuer une personnalité propre, différente de celle de leur manipulateur. Leur tête se limite à une barre horizontale sur laquelle sont disposés des caméras, des micros et un hautparleur. Je prends conscience que ce robot-ci est affecté d’un important strabisme divergent. C’est la première fois que je vois ça sur un tel robot. Est-ce que son manipulateur en est également affecté ? Avec une telle disposition, les champs visuels doivent être pratiquement disjoints. Ça doit faire bizarre de ne pas voir ce qu’il y a juste devant soi. À moins d’avoir un autre mode de perception, un autre sens, on doit être fortement handicapé. Une idée folle traverse mon esprit, mais je la rejette immédiatement. Non ! Ce n’est simplement pas possible. Inutile de rêver. Pourtant ce demi-regard, il me semble l’avoir déjà vu ces derniers temps. Je dois savoir. Je ne sais pas comment lui demander. Je vais dire ce qui me passera par la tête.
— Heu… Bonjour ! C’est la première fois que tu viens sur cette montagne ?
— Bien sûr ! J’ai toujours rêvé d’en escalader, mais c’est la première fois que j’en ai l’opportunité.
Je remarque un délai entre ma question et la réponse, environ une seconde. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’un Lunien ?
— Et où te trouves-tu ?
— Mais aux Sèches Ailes ! Comme si tu ne le savais pas !
— Oui, bien sûr ! Mais je voulais parler de ton corps réel, pas de ton robot de téléprésence.
— Eh bien, oui ! Aux Sèches Ailes. Juste à côté de ton bateau.
— Quoi ? Mais alors, pourquoi n’es-tu pas venu en personne ? Ne peux-tu marcher ?
— Tu sais très bien que je n’ai pas de jambes. Comment pourrais-je marcher ?
Cette fois-ci, plus de doute. Il s’agit bien d’elle.
— Ponyo ? C’est bien toi ?
— Oui ! Tu ne m’avais pas reconnue ?
— Ben… heu… Disons que ton avatar n’est pas très ressemblant. Avec tes yeux qui partent aux fraises en portant chacun leur panier, je me suis bien posé des questions, mais ils me font plutôt penser à un requin marteau qu’à un dauphin.
Je prends le robot dans mes bras, essayant de m’imaginer serrer son corps de cétacé. Ce n’est évidemment pas comparable avec un contact direct, mais je suis très heureux de la savoir à mes côtés, ne serait-ce que virtuellement. Maladroitement, elle replie ses bras mécaniques autour de mon torse. Elle n’y va pas de main morte. S’il n’y avait pas de système de sécurité, elle pourrait m’écraser facilement. Pour elle, des bras, c’est quelque chose de totalement nouveau. L’évolution a transformé les pattes avant de ses ancêtres en nageoires bien plus utiles quand on habite les océans. Je suis même étonné qu’elle parvienne à les utiliser pour m’enlacer.
J’exerce une légère pression en arrière pour me libérer. Je la tiens encore à bout de bras.
— Je suis tellement heureux que tu aies trouvé un moyen de réaliser ton rêve de gravir des montagnes.
Puis, après quelques secondes de silence :
— Le traducteur de ton robot ne fait pas figurer ton nom au début de toutes tes phrases. C’est également pour cela que je ne t’ai pas reconnue.
— S’il fallait une preuve que les singes ont des systèmes de communication limités, la voilà ! Chez les peuples de la mer, il n’y a jamais d’ambigüité quant au locuteur, du moment que nous sommes à portée de voix.
Le singe que je suis a quelques doutes quant à la supériorité des cétacés sur les primates concernant la communication. Nos deux branches évolutives sont adaptées à leur environnement respectif, c’est tout. Chez les homos et très probablement aussi chez les autres grands singes, c’est le timbre de la voix qui contient implicitement l’information du locuteur. C’est plutôt un défaut de logiciel qu’une faiblesse fondamentale du mécanisme de communication si la voix de Ponyo exprimée par le robot de téléprésence n’est pas la même que celle synthétisée par ma poche branchiale. Et puis, c’est quand même au génie humain qu’il faut attribuer le mérite d’avoir établi la communication avec les cétacés.
Je ne suis pas d’humeur à me lancer dans une polémique. Je suis bien trop heureux de la voir là, à côté de moi. J’allais dire, enfin penser, « en chair et en os », mais ce n’est malheureusement pas le cas.
— Alors, comment trouves-tu la montagne ? Ça te plait ?
— Je ne sais pas.
— Qu’est-ce qui ne te plait pas ?
— Je t’ai dit que je ne sais pas. C’est tellement nouveau. Je ne parviens à percevoir que par la vue et l’ouïe, mais pas avec la voix. Un truc bien, c’est que je peux voir devant moi. Ça compense en partie l’absence de voix. Pourtant, il y a un défaut : les champs visuels des deux yeux se superposent partiellement. Mais les deux images ne sont pas identiques, il y a une sorte de décalage. En bougeant les yeux, je peux avoir une vision correcte sur une petite partie, mais jamais partout, sauf si je regarde au loin.
— C’est la vision binoculaire. Avec un peu d’exercice, ça te permettra de voir en relief, de percevoir les distances.
— Mais c’est fatigant. Et puis, il y a autre chose de bizarre avec la vue : c’est comme s’il y avait une information supplémentaire et pas seulement la luminosité.
— C’est ce que l’on appelle les couleurs.
Je lui montre mon t-shirt.
— Par exemple, mon t-shirt est rouge et mon short est beige. Le ciel est bleu et les nuages blancs. Les feuilles des arbres sont vertes. Ce sont les noms que l’on donne à ces couleurs. Mais pas tout le monde ne perçoit les couleurs de la même manière. Certaines personnes ont un défaut génétique qui les empêche de différencier certaines couleurs, alors qu’au contraire, d’autres, seulement de rares femmes, en ont une perception beaucoup plus riche. Il y a plusieurs types de cellules sensibles à la lumière dans la rétine et la richesse du spectre de couleurs perçu dépend du nombre de types différents dont on dispose. Tes yeux de dauphin ne contiennent pas de cellules sensibles à la couleur, mais ton cerveau est assez souple pour s’adapter à de nouveaux stimulus. C’est pourquoi les caméras du robot, par l’intermédiaire de ton connecteur, te procurent des sensations qui te sont encore inconnues.
Ponyo n’attend pas la fin de mon discours. Elle dirige son robot vers le bord du chemin, se dirige près d’un arbre et en teste la texture du tronc avec ses mains maladroites. Elle regarde le végétal avec un seul oeil, comme elle le ferait sous l’eau.
— On dirait du corail. Ils doivent vivre depuis des milliers d’années pour atteindre un tel stade de développement.
C’est Toni qui lui répond.
— Ça dépend de l’espèce. Certains végétaux vivent effectivement des milliers d’années avec une croissance très lente, alors que d’autres ont une croissance extrêmement rapide, tels certains bambous qui peuvent s’allonger de plus d’un mètre par jour. Celui-ci doit être vieux de quelques dizaines d’années.
Ponyo joue à faire ployer une branche basse.
— C’est étonnant comme cet être peut être à la fois si dur et si souple. Je pourrais jouer avec durant des heures.
Toni montre quelques signes d’impatience.
— Tu auras encore l’occasion de toucher des arbres. Maintenant, il faut que nous nous remettions en marche si nous voulons arriver au sommet avant midi.

Ici, le chemin profite d’un replat pour s’élargir. Nous pouvons marcher à plusieurs de front. Je me sens particulièrement bien. Comment pourrait-il en être autrement ? Je suis avec les deux êtres qui ont le plus d’importance pour moi en ce moment. Pilane à ma gauche et Ponyo à ma droite. Sans même y penser, je prends leur bras et nous avançons, bras dessus, bras dessous, vers, à défaut d’un avenir radieux, le sommet de cette ile minuscule perdue au milieu d’un océan infini.
Cela fait plusieurs minutes que la démarche du robot de Ponyo est à peu près normale. Je pense qu’elle a eu besoin d’un certain temps pour apprendre à le contrôler. Puis, soudain, le robot est pris d’un brusque sursaut qui me force à le lâcher.
— Tout va bien, Ponyo ?
Le robot émet un son qui ressemble à celui d’une déglutition.
— Oui, tout va bien. Pourquoi me poses-tu cette question ?
— Ben, c’est au sujet de tes… spasmes. Mais j’imagine qu’il s’agit d’un simple problème technique.
— Sans doute. Je ne m’en suis même pas aperçue.
Le chemin redevient un étroit sentier où il faut avancer à la file indienne. Je me retrouve devant Ponyo et ne suis plus en mesure de la voir, seulement d’entendre son pas mécanique et irrégulier, ainsi que, toutes les deux ou trois minutes, ce spasme qui devient presque habituel. Mais l’absence de mon champ de vision de mon cétacé préféré, ou plus exactement de son robot de téléprésence, est largement compensé par la vue des petites fesses bien fermes de Pilane qui se dandinent là, juste devant moi. Je dois faire un effort pour ne pas me mettre à les caresser.

Lorsque nous arrivons en vue du sommet, Toni consulte son mentor bracelet. Il semble satisfait. Le sommet de la montagne me fait penser à une tête de moine (pas le fromage), une petite bute dénudée entourée d’arbres si hauts qu’ils empêchent d’observer le paysage.
— Bien, nous n’avons pas perdu trop de temps durant la montée. Nous avons donc plus de deux heures devant nous avant de devoir redescendre.
Ponyo désigne le sommet de la butte.
— Quel arbre étrange ! Il ressemble un peu à vos cavernes à dormir.
Je crois qu’elle fait allusion à nos maisons. En l’occurrence, il s’agit d’une tour, une sorte de mirador, apparemment en bois, mais plus probablement en silicarbone, cela va de soi. Elle se hisse à plus de trente mètres de haut, bien au-dessus du faite des arbres.
— Il ne s’agit pas d’un arbre, ni d’une maison, mais d’une tour d’observation. On y accède par cet escalier en colimaçon, à l’intérieur.
La base de la tour est prise dans un hémisphère de microturbulences. On dirait une grosse bulle de savon. La ressemblance est accentuée par la présence de marbrures foncées et tourbillonnantes qui donnent l’impression qu’elle va éclater d’un instant à l’autre. Je suis intrigué.
— Toni ? Sais-tu à quoi sert cette bulle ? Ce n’est tout de même pas purement décoratif ?
— Non ! Malgré son esthétique marquée, elle a une fonction bien précise qui est de limiter le nombre de personnes qui y sont présentes en même temps. Si le nombre maximum est atteint, elle devient impénétrable. On ne peut alors franchir sa membrane que vers l’extérieur.
— Hmmm ! C’est pas aujourd’hui que nous serons coincés à l’extérieur. À part nous, il n’y a pas grand monde.
— Aujourd’hui, non. Mais lors de la Fête du Pendu, presque tous les habitants de l’ile se regroupent ici. Alors, si tout le monde voulait monter en même temps, au-delà des problèmes de surcharge, cela entrainerait un inconfort certain pour les visiteurs.
— Mais que se passe-t-il, lorsque la limite est atteinte, alors qu’il y a déjà des personnes supplémentaires qui sont en train de franchir la membrane ?
— Rien. Les personnes en surnombre feront face à une résistance accrue à la pénétration, mais elles pourront se retirer sans difficulté.
— Ouais ! En gros, c’est un peu comme si on était des spermatozoïdes en face d’un ovule géant. Si t’es pas le plus rapide, tu peux pas participer à la fête et tu poireautes dehors.
— On peut voir ça comme ça ! Ha ! Ha !
D’un geste, il nous invite à prendre d’assaut le mirador.
— Montez et admirez notre belle ile et son écrin turquoise ! Pendant ce temps, je m’occuperai du repas. Vous pouvez déposer les sacs à dos sur cette table de piquenique.
Nous ne nous faisons pas prier et, malgré la fatigue de la randonnée, c’est avec enthousiasme que nous nous dirigeons vers la tour.
Ponyo s’arrête devant la paroi de microturbulence. Elle n’ose la franchir. Je tente de l’encourager.
— N’hésite pas à la pénétrer. Ce n’est que de l’air. Tu ne devrais ressentir qu’un léger chatouillement. Et encore ! Ce n’est pas sûr que ton robot de téléprésence ne te transmette cette sensation.
— Cette chose réveille en moi le souvenir de vieilles légendes. On y racontait que du temps de la Grande Pollution, les singes quadrillaient les océans de grands filets si fins que nos ancêtres ne parvenaient à les percevoir correctement.
— Il s’agissait probablement des filets de pêche. Mais nous n’en mettions tout de même pas partout. Il ne faut pas exagérer.
— Peut-être, mais les traditions rapportent que partout où il y avait de la nourriture, les singes y mettaient des filets.
— Ben… C’est la raison d’être d’un filet de pêche. On ne va pas le mettre là où il n’y a rien à pêcher. Le but est d’y piéger les poissons.
— Oui ! Mais nous, les peuples de la mer, y étions aussi fréquemment enfermés, sans aucun moyen d’y échapper et alors les singes nous massacraient.
— J’avais entendu parler de tels massacres, particulièrement au Japon. Mais, c’est peut-être lié à ta peur, il y avait un phénomène qui intriguait tant les pêcheurs que les protecteurs des mammifères marins : jamais un dauphin n’avait tenté d’échapper au piège en sautant par dessus le filet.
— Comment ça ?
— Ben oui ! Les filets constituent une barrière sous l’eau, mais pas au-dessus. Donc, pour qu’un dauphin puisse échapper au piège d’un filet, il lui suffit de sauter par-dessus.
— Je ne comprends pas.
— Ben… C’est simple, non ? Si tu ne peux le franchir sous l’eau, il te suffit de le franchir au-dessus de la surface, où le filet n’est pas présent.
— Mais si le filet n’est pas présent, il n’y a pas à le franchir. Je ne comprends pas.
Je pousse un gros soupir et cherche une autre manière d’expliquer la solution.
— Bon ! Disons qu’il y a un gros trou dans le filet, assez gros pour te permettre de passer. Tu le franchirais et ensuite, tu serais libre, non ?
— Oui, c’est évident.
— Alors, disons qu’il y a un trou immense dans le filet au-dessus de l’eau. Tu n’as qu’à passer par ce trou et tu es libre. Voilà. C’est pas plus compliqué que ça.
— Heu… Je ne comprends pas.
Je prends ma tête dans mes mains et la secoue lentement de gauche à droite. C’est sans issue. Je renonce.
— Bon ! Tant pis. Mais là n’est pas le problème. Ceci n’est pas un filet et tu ne risques en aucun cas de t’y retrouver prisonnière.
— Oui, mais bon ! Mais je fais comment pour passer ?
Soupir !
— OK ! Ceci est un filet, mais les mailles sont bien assez larges pour passer au travers sans difficulté. Regarde ! Je le franchis simplement en avançant.
Effectivement, il me suffit de faire un pas en avant et je me retrouve de l’autre côté de la barrière, sans autres effets que de légères ondulations qui s’étalent rapidement sur la surface de la bulle.
— Tu vois, ça ne pose aucun problème. Viens !
Elle hésite encore. Je tends le bras au travers des microturbulences et saisis délicatement sa main mécanique.
— Allez ! Viens ! Fais-moi confiance ! C’est beaucoup plus simple que de passer au travers d’un anneau de bulles sans le rompre.
Je l’attire lentement vers moi. Après encore une seconde d’hésitation, elle se décide enfin à avancer. Sans surprise, elle parvient intacte à l’intérieur de la bulle.
— Tu vois : tout va bien. Tu n’avais aucune raison d’avoir peur.
— Mais je n’avais pas peur. Je ne comprends simplement pas comment on est passé.
— Tu interrogeras le Réseau une autre fois pour avoir une explication. Il te suffit de savoir qu’une barrière de microturbulences peut être franchie sous certaines conditions et qu’il n’y a aucun danger.
— Mais alors, nos ancêtres auraient pu facilement échapper aux massacres en franchissant les filets ?
— En sautant par dessus, oui !
— Heu… Non ! Je ne comprends pas.
Pilane, Noul, Koulienne, Tong et Tienou ont également franchi la barrière. Tienou s’adresse à Ponyo.
— Si tu le veux bien, Ponyo, nous allons maintenant monter sur la tour. Je ne pense pas que cela devrait te poser un problème.
— Non ! Aucun ! Ce n’est pas différent que de monter le long d’une de vos colonnes coralliennes.
— Alors, allons-y !
Même si cette ascension ne représente pas pour elle un obstacle conceptuel, la montée d’un escalier aussi raide lui pose un véritable défi, ou plutôt en pose un pour sa maitrise du robot de téléprésence. Bien que la coordination de la marche soit prise en charge par le robot lui-même, ses spasmes l’ont déséquilibrée plus d’une fois. Heureusement qu’il y avait toujours quelqu’un à ses côtés pour la retenir. À mi-hauteur de la tour, elle s’arrête et émet un son qui ressemble à un soupir.
— Pfff ! Comment faites-vous, les singes, pour supporter de vivre dans un environnement pareil ? C’est tellement épuisant de rester en permanence collé au sol, de ne pouvoir se déplacer librement dans l’espace.
— Sans plus de difficulté que vous, les peuples de la mer, qui doivent sans arrêt revenir à la surface pour respirer. Nous sommes adaptés à notre milieu. Les oiseaux ont évolué des ailes pour s’élever au-dessus du sol. Les singes grimpent dans les arbres et nous, les homos, nous construisons des tours et des avions. Allez ! Encore un effort. On y est presque.
Nous reprenons l’ascension. Finalement, nous parvenons au sommet. L’escalier débouche sur une plateforme qui fait le tour complet de la tour, nous offrant l’ensemble de l’ile en paysage. L’escalier se termine face au nord-est. Vique Torilla est juste en dessous de nous, partiellement cachée par les contreforts de la montagne. Dans le port, on aperçoit le Nisshin Maru, sagement amarré parmi d’autres navires presque aussi gros que lui. Quelques ilots sans relief émergent au milieu de la baie aux eaux couleur schtroumpf au lait. Plus loin, on aperçoit une paire d’iles perdues au sein d’une forêt de colonnes coralliennes qui couvre tout l’horizon.
L’extrémité nord de Mahaye est visible derrière l’écran que forme une butte proche, légèrement plus basse que celle sur laquelle a été érigée la tour d’observation. Pilane attire mon attention plus à l’ouest.
— Dans la baie qui est masquée par la colline, il y a la bourgade dans laquelle vit Toni. C’est de là qu’il est venu à vélo ce matin.
— Il a dû franchir un col qui est également derrière la butte. C’est ça, non ? Il doit avoir de bons mollets, vu que l’assistance du vélo était en panne.
— En fait, pas tant que ça. Il habite sur la pente, pas trop loin du sommet. Toni est un peu frimeur, tu as dû t’en rendre compte.
Je pense un instant à lui demander comment elle savait où habite notre guide, mais je me souviens qu’ils étaient très proches, par le passé.
— Et là, cette ile, c’est Six Louettes. J’y étais allé avec Toni. Nous…
Je n’écoute plus ce qu’elle me dit. Elle commence à m’énerver avec son Toni. Houla, je deviendrais jaloux ? Non ! Je crois surtout que je ne suis pas vraiment attaché à elle et que son passé m’indiffère. Je suis juste un mâle ordinaire qui n’a pas laissé passer l’opportunité qui se présentait. Ce n’est pas comme pour Ponyo. Avec elle, il y a de vrais sentiments. C’est vraiment dommage que nous soyons biologiquement si différents.
Mais… où est Ponyo ? Abandonnant le paysage, je la cherche sur la plateforme. Elle est immobile, figée, juste au sommet de l’escalier.
— Ponyo ? Ça va ?
Elle ne me répond pas. Son regard semble perdu dans le vide, mais il est difficile de déchiffrer un regard composé de deux caméras plantées sur un visage se réduisant à une simple barre métallique.
— Hou, hou ! Ponyo ! Tu es là ?
Sa timide réponse trahit une grande frayeur.
— Ou… oui ! Mais peut-être que… non.
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
— Je ne sais pas. C’est le paysage. Tout est si loin, si bas. Ça me fait peur. J’ai l’impression que puisque je ne peux pas nager, je vais tomber vers le sol.
— Je vois. On appelle ça le vertige. C’est vrai que ça doit être effrayant pour quelqu’un qui a passé toute son existence sous l’eau.
Plus que de m’imaginer ce qu’elle peut réellement ressentir, je suis pris d’admiration pour les ingénieurs qui sont parvenus à créer un appareil qui permet à un cétacé d’appréhender les perceptions sensorielles d’un primate avec un tel réalisme qu’il puisse en ressentir du vertige. Mais je vais tenter de la rassurer.
— Oublie la plateforme sur laquelle tu te trouves ! Imagine que l’air soit de l’eau et que tu puisses y nager à ta guise ! Ou que tu es un oiseau. Les oiseaux ne sont pas sujets au vertige. Et puis, si jamais la tour s’écroulait, ton robot serait probablement détruit, mais toi tu n’en ressentirais qu’une bonne peur. Mais ne reste pas trop près de l’escalier. Si ton robot était à nouveau pris d’un de ces spasmes, il pourrait y tomber.
Ponyo accepte d’avancer vers la rambarde et de jeter un regard au-dehors. Lorsqu’elle baisse la tête pour regarder le sol, elle se fige à nouveau, puis, soudainement, ses membres perdent tout leur tonus et elle s’effondre comme un pantin dont on aurait lâché les ficelles.
Le robot reste là, inerte, simple masse métallique inanimée, durant plusieurs secondes. Je m’accroupis à ses côtés et la secoue comme un prunier dans l’espoir de la réanimer.
— Ponyo ! Ça va ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Je me disais bien que ce robot avait des problèmes. Ses spasmes n’étaient que le prélude à une panne complète. Enfin je l’espère. Je ne voudrais pas que la chute du robot soit le reflet d’un malaise de Ponyo.
Soudain, les muscles artificiels de l’avatar se tendent à nouveau. Il se relève rapidement et tourne sa tête vers moi.
— Excuse-moi ! L’émotion ressentie en voyant le sol de si haut était tellement forte que j’en ai perdu le contrôle de ma connexion. Sous l’eau, il n’est pas possible de voir à une telle profondeur, surtout avec une telle netteté.
— Même avec l’écholocalisation ?
— Ce n’est pas comparable.
Le robot est à nouveau pris d’un violent spasme, mais différent des précédents. On dirait qu’il tousse.
— Excuse-moi encore ! Je suis tellement troublé par toutes ces sensations nouvelles que j’ai respiré sous l’eau et ai absorbé une petite quantité d’eau dans mes poumons. Je suis en train de tenter de la purger.
— Ça va aller ?
— Oui, oui ! Ne t’inquiète pas !
Es-tu en mesure de regarder le paysage ou préfères-tu redescendre ?
— J’y arriverai. J’ai trop longtemps rêvé de cet instant pour y renoncer comme ça.
Le robot s’agrippe solidement à la rambarde et se met à observer le monde tel qu’il se présente aux visiteurs de cette tour d’observation, en évitant toutefois de diriger son regard vers la base de la tour. Petit à petit, l’effroi laisse la place à l’émerveillement.
— C’est si vaste !
Elle lâche la rambarde et se met à longer celle-ci pour faire le tour de la plateforme.
— Et l’on peut voir l’océan tout autour de l’ile. Et toutes vos colonnes coralliennes, je savais qu’il y en avait partout, mais là, je peux réellement en apprécier le nombre. Et vos cavernes à dormir, il y en a moins que je l’imaginais. Vous les avez surtout placées le long du rivage. Et… et…
Elle ne parvient plus à exprimer verbalement l’intensité des émotions qu’elle éprouve en ce moment. Mais ce n’est pas nécessaire, les mouvements de son robot de téléprésence sont éloquents. Elle termine le tour et se retrouve en face de Vique Torilla et de son port qu’elle se met à observer plus en détail. Elle semble dorénavant maitriser correctement la vision binoculaire. Elle se tient face à ce qu’elle observe et ses caméras sont maintenues pratiquement parallèles.
— C’est fantastique ! Je peux voir la baie dans son entier d’un seul regard et tout ce qui y nage en surface. Et là… Mais… C’est…
Soudain, les objectifs de ses caméras s’allongent, un peu comme les yeux du loup dans le dessin animé de Tex Avery. Il doit s’agir d’un zoom. Pratique, ce truc.
— Regarde ! Tu vois, parmi ce groupe de dauphins, là, c’est moi !
Moi, je n’ai pas de zoom. Alors, il m’est impossible de distinguer autre chose que de l’écume à la surface de l’eau, comme s’il y avait un récif ou un hautfond.
— Ben… pas vraiment. Tu as la chance de disposer d’un zoom pour rapprocher l’image. Mais c’est un gadget technologique qui ne reflète malheureusement pas une faculté biologique. Je ne sais même pas si je regarde au bon endroit. Est-ce là où il y a de l’écume entre les deux ilots ?
— Oui. Attends ! Je vais sauter hors de l’eau. Tu devrais parvenir à m’apercevoir.
Effectivement, au milieu de la tache d’écume, j’aperçois ou plutôt je devine une sorte de petit truc un peu allongé qui émerge de l’eau et effectue une cabriole. Je n’ai pas le temps de le voir retomber, car au même moment, Ponyo, enfin le robot qui la représente, se met à gesticuler dans tous les sens, pour s’étaler lamentablement sur le sol. En tombant, un de ses membres frappe violemment mon tibia. Ignorant la douleur, je me penche vers le robot enfin immobile. Il relève la tête et ajuste ses optiques sur moi.
— Alors, tu m’as vu ?
— Ce que j’ai surtout vu, c’est un gros tas de métal qui a pété les plombs. Tu devrais faire attention avec ton robot de téléprésence. Tu vas finir par l’abimer. Déjà qu’il est l’objet de quelques dysfonctionnements.
Soudain, je réalise que les spasmes en question ne sont peut-être pas dus à un problème technique, mais seulement le reflet de mouvements de la vraie Ponyo.
— Dis-moi, Ponio ! As-tu remarqué que ton robot est parfois pris de mouvements brusques ?
— Non ! Je n’ai rien constaté de tel.
— Pourtant, il est secoué de spasmes toutes les quelques minutes. Que fais-tu d’autre pendant cette séance de téléprésence ?
— Mais rien. Je reste soigneusement à la surface pour respirer facilement, comme me l’ont conseillé les techniciens du Réseau. Et puis, quand il y a une petite proie qui passe à ma portée, je ne me fais pas prier, bien sûr.
Bon, je crois, qu’il ne faut pas aller chercher plus loin.
— Aaaah bon ! Je comprends maintenant. Ça m’a l’air très poissonneux dans le coin.
— Ah ! Je te dis pas. C’est un régal.
Le robot s’est relevé et Ponyo reprend l’exploration du paysage par son intermédiaire. Soudain, elle s’exclame :
— Là ! Regardez ! Un oiseau méduse !
Un oiseau méduse ? Qu’est-ce que c’est que ça, encore ? Nous regardons dans la direction qu’elle nous indique. D’abord, nous ne voyons rien. Elle doit sans doute utiliser son zoom, ce qui lui donne un avantage certain pour observer les détails. Puis, Koulienne confirme.
— Oui ! Là ! Un dirigeable !
Il est bien connu que si l’on désire ardemment apercevoir un objet ou un être connu, on le voit partout. Mais si l’on ne sait pas ce que l’on cherche, notre cerveau à tendance à masquer ce qui se trouve sous notre nez. Ponyo a parlé d’oiseau. Alors, par réflexe, nous avons regardé vers le ciel. Mais du point le plus élevé de l’ile, la majorité des oiseaux volent au-dessous de nous. Les dirigeables aussi. Celui-ci s’approche lentement de l’ile, abordant celle-ci par l’ouest. Pilane précise :
— Il s’approche de la crique de Hans Boit l’Eau.
Il doit y avoir un aérodrome à cet endroit. Mais à part quelques maisons éparpillées dans la forêt, je n’aperçois rien. Mais à La Fournaise aussi, l’aéroport était pratiquement invisible.
— Il y a un aéroport, là ? Je ne vois rien.
— Non. Il est sur la côte est, de l’autre côté de l’ile. Le dirigeable fait son approche en franchissant un col à basse altitude pour impressionner les touristes et pour saluer les habitants au passage.
— C’est pas un peu risqué ? Au moindre coup de vent, il pourrait être précipité sur des rochers.
— Mheuu non ! Le col n’est pas très serré et puis il n’y a jamais eu d’accident.
— Ouais ! J’admets qu’à mon époque, la technologie n’était peut-être pas aussi fiable qu’actuellement, mais ce genre de fanfaronnade finissait souvent en catastrophe.
— Je ne sais pas si tu as remarqué, mais on n’est plus à ton époque.
— Si ! Si ! J’avais remarqué. Oublions ! Mais l’aéroport, il est où ? On peut le voir d’ici ?
— Regarde, là ! Tu vois ces deux bandes grises, dans la lagune ?
— Ah oui ! On dirait des pistes d’atterrissage. Mais elles sont submergées.
— Effectivement. L’océan les a recouverts lors de sa montée. N’oublie pas que le niveau moyen est plus haut de six mètres à celui qu’il était à l’Éclosion.
— Je comprends, mais deux pistes, ça me semble beaucoup pour une si petite ile. Le trafic aérien n’a jamais dû être si intense qu’il justifie la construction de deux pistes.
— Il parait que la seconde piste a été construite pour pallier à la montée des eaux. Il fallait régulièrement rehausser la piste pour qu’elle ne soit pas inondée. Afin de ne pas interrompre le trafic, il a été décidé d’en construire une seconde, plus élevée. Puis on a rehaussé la première et ainsi de suite.
— Mais pourtant, elles sont toutes les deux submergées, maintenant.
— Lorsque plus aucun avion ne s’est posé à Mahaie au profit des dirigeables, on a cessé la course contre la mer.
— Oui. Mais avec les dirigeables, on doit mettre une éternité pour rejoindre un continent.
— Et alors ? Tu es si pressé de nous quitter ?
C’est comme si une chape de tristesse me tombait dessus. D’un coup, je sens mon estomac se nouer et mon champ de vision se rétrécir. Une forte lassitude m’envahit et je sens une larme couler sur ma joue. Le paysage ne m’émeut plus du tout.
— Bon ! Moi, j’en ai assez. Je vous attends en bas. Prenez votre temps.
Sans attendre de réponse, je me dirige vers l’escalier et j’entreprends de le descendre.
Qu’est-ce qui m’arrive ? Pourquoi ce soudain coup de blues ? Tout allait bien et soudain mon humeur a basculé. Qu’est-ce que les autres vont penser de moi ? En fait, je n’en ai rien à foutre. Je veux juste être seul, ne plus être ici, ni là.
J’imagine Pilane, Ponyo et les autres, surpris par mon attitude, hébétés, me regardant dévaler l’escalier sans un mot d’explication. Mais ça m’est totalement indifférent. J’observe mon propre comportement comme si je n’étais plus dans mon corps, comme si c’était quelqu’un d’autre qui descendait cet escalier.
Qu’est-ce qui m’a mis dans cet état ? J’essaie de me remémorer ce à quoi je pensais, ce que je voyais, ce que j’entendais ou sentais au moment du basculement. J’étais émerveillé par le paysage, par cette ile, par ce relief au milieu de la platitude de l’océan. Puis Ponyo a aperçu le dirigeable. Mais je ne vois pas pourquoi un dirigeable pourrait provoquer un tel accès de mélancolie. Non ! C’est lorsque Pilane m’a demandé si j’étais pressé de partir.
Se pourrait-il que cette simple question ait été le révélateur d’un besoin latent de voir d’autres horizons, de me mettre enfin en quête du moyen de retourner en 1999 ? Je ne me suis jamais caché que je m’ennuyais par moments sur ce navire, lorsque je n’étais pas en train de batifoler avec Pilane ou de nager avec Ponyo. Je n’avais d’abord pas prévu d’effectuer mon retour vers l’Europe par la mer, mais en dirigeable. Je ne vais pas prétendre qu’on m’a forcé la main, mais c’est tout comme. En réalité, je crois que si j’avais accepté cette croisière, c’était surtout afin de repousser les échéances qui m’attendaient dans l’hémisphère nord. Le résultat, c’est qu’en contrepartie, l’inaction entraine l’accumulation de tensions qui se révèlent maintenant par ce coup de blues. Peut-être devrais-je monter à bord de ce dirigeable et me consacrer activement à la préparation de mon retour. J’en sais rien. J’ai juste envie de dormir, ne plus penser à rien.

Je suis assis sur un banc, au pied de la tour d’observation, à l’écart du reste du groupe. Ça fait un moment que je m’y suis installé. Personne n’a tenté de me déranger, probablement pour ne pas interrompre un éventuel entretien avec mon mentor. Mais Pilane prend le risque de briser le tabou.
— Bernard ! Tu ne veux pas manger un peu ?
Je lève des yeux surpris vers elle, comme si j’avais oublié où j’étais. Il me faut quelques secondes pour recoller à la réalité.
— Je n’ai pas faim.
— Il faut tout de même que tu manges quelque chose, sinon tu risques l’hypoglycémie durant le trajet de retour.
Je ne lui réponds même pas.
— Bon ! Comme tu veux ! Mais je vais aller te chercher à boire. Il n’est pas question que tu te déshydrates trop.
Sachant qu’elle n’aurait pas de réponse, elle retourne vers les autres.
— Jimini ?
— Oui, Bernard ! Tu veux parler ?
— Pourquoi les implants-médics ne compensent-ils pas ma déprime ? C’est pourtant leur job.
— Peut-être vaut-il mieux pour toi que tu surmontes cette épreuve par toi-même. Si tu fais trop souvent appel à un soutien chimique, tu pourrais développer une accoutumance.
— Et puis quoi encore ? Il n’y a que moi qui puisse décider ce qui est bien pour moi. Je veux que me soit injectée la substance qui me redonnera la joie de vivre. Et si j’en deviens accro, il doit bien en avoir une autre qui pourra me débarrasser de cette addiction, non ?
Immédiatement, je me sens mieux.
— Ben voilà ! C’est mieux comme ça ! Merci les implants-médics pour votre action. Mais la prochaine fois, n’attendez pas que je vous remette à l’ordre pour faire votre boulot.
— Les implants-médics n’y sont pour rien. C’est ton indignation qui a poussé ton cerveau à synthétiser la substance nécessaire à te sortir de ta mélancolie. Tu vois ? Les implant-médics ont agi comme il convenait.
— Si tu le dis !
Je me lève et me dirige d’un pas décidé vers mes amis.
— Bon ! Qu’est-ce qu’il y a à manger ? J’espère que vous m’en aurez laissé un peu, bande de goinfres !
Tout le monde me regarde d’un air mi-amusé, mi-rassuré.
— Ponyo s’approche de moi. Il m’est impossible de deviner son état d’esprit, car aucune émotion ne peut s’exprimer sur sa pseudotête métallique. Ça ne change pas grand-chose, car lorsque je suis à nager à ses côtés, son éternel sourire n’exprime rien non plus qui puisse être compris par un humain.
— Est-ce que ça va ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
— Bof ! Juste un coup de blues… de cafard. Tu comprends ce que je veux dire par cafard ? Est-ce que vous connaissez ce genre de situation, vous, les cétacés ?
— Oui, bien sûr ! Bien que nos comportements ne soient pas tout à fait les mêmes, nous avons également des moments où nous désirons être seuls pour méditer sur nos problèmes intimes. Serais-je trop curieuse si je te demandais quelle était la source de ton cafard ?
— Non ! Je serais très heureux de partager avec toi mes préoccupations, mais pas maintenant. Je viens d’émerger de la crise, je ne veux pas y retomber tout de suite. Mais je te promets de t’en parler très vite.
— Alors, n’en parlons pas. Viens te joindre aux autres pour le nourrissement. Je vais en profiter également pour me nourrir un peu.
Nous nous approchons de la table autour de laquelle notre groupe s’est installé pour se restaurer. Sans participer directement à notre repas, Ponyo s’installe à mes côtés.
Heureusement que je suis sorti de ma déprime, car les mets disponibles me mettent l’eau à la bouche. Il aurait été dommage que je manque ça. Je me demande même comment Toni a fait pour mettre toute cette nourriture dans les sacs à dos et surtout à les maintenir à la température de leur conditionnement. Car il y a, par exemple, de petits cariwich de toutes sortes, dont la coque de riz laisse encore s’échapper de la vapeur, alors qu’un peu plus loin, les bocaux des sorbets prévus pour le dessert sont couverts de givre. Se pourrait-il que les sacs à dos contiennent de petits chronostats ?
Mais peu importe. Je me rassasie en dévorant sans modération des cariswich, avec une préférence marquée pour les cariwich saucisse. Ça me rappelle la ballade dans les cirques à La Fournaise avec Vadina. C’était il y a à peine un mois, mais ça me parait déjà presque avoir eu lieu dans une autre vie.
— Eh bien, dis donc ! On dirait que tu n’as plus mangé depuis des jours. Ça creuse, de bouder !
J’allais répondre lorsque soudain, le robot de téléprésence de Ponyo se met à faire de grands gestes des bras et à onduler son corps tout en balançant ses jambes. Il ne manque plus que le bruit de moteur produit par une bouche et on dirait un gosse qui s’imagine piloter un avion. Évidemment, un des bras me heurte juste au moment où je porte à mes lèvres un verre de jus de fruit. Le contenu de ce dernier se répand à parts égales entre mon visage et mon t-shirt. J’en ai même dans le nez et les yeux. Putain, ça pique !
Une fois la surprise passée, mon sang ne fait qu’un tour.
— Hooo ! Fais chier ! Mais ça va pas bientôt finir ce bordel ? Je veux bien que tu te nourrisses en même temps que nous, mais si tu ne veux pas couper la communication pendant que tu es en chasse, tu pourrais au moins te tenir à distance. T’as vu le résultat de tes conneries ? Hé ! Je n’ai pas de t-shirt de rechange. Je vais pèdzer tout l’après-midi. Sans compter les insectes qui vont venir se régaler sans demander d’autorisation.
Le robot se recroqueville sur lui-même tout en essayant tant bien que mal à se dégager du banc et surtout des regards courroucés des convives.
— Pardonnez-moi ! Je ne maitrise pas encore totalement ce robot. Je croyais pourtant bien être déconnectée du sous-système moteur. Mais tu as raison, Bernard : je vais déplacer le robot, le temps de mon nourrissement, afin de ne plus vous déranger.
— Non ! C’est à moi de te demander pardon. Je ne suis pas dans mon assiette aujourd’hui. Je ne devrais pas réagir aussi agressivement.
Le robot va se placer entre nous et la tour. Il s’engage alors dans une sorte de danse qui doit refléter les mouvements que Ponyo effectue pour se nourrir. En le voyant ainsi, je me remémore ma participation à la frénésie autour du banc de poissons, hier. Nous l’observons ainsi durant plusieurs minutes, puis nous retournons à la consommation des délices qui, sur la table, n’attendent que cela.

Le repas terminé, certains s’abandonnent à une sieste, d’autres remontent au sommet de la tour pour admirer encore une fois le paysage idyllique. Ponyo, enfin son robot, se tient immobile là où elle s’agitait auparavant. Moi, bien que ce ne soit pas vraiment dans ma nature, je me propose pour ranger les restes du repas. Comme ça, je n’ai pas trop le loisir de gamberger et puis j’ai aussi quelques petits trucs à me faire pardonner.
Dans l’un des sacs à dos, il y avait un compacteur de déchets. Il s’agit d’une machine qui ressemble à un robot ménager de mon époque. On y jette en vrac tout ce qui se trouve sur la table, même les couverts et les plats. On ferme la machine et celle-ci se met à geindre durant quelques secondes. Par un orifice à la base tombent des granulés ressemblant à des popcorns noirâtres qu’on aurait trop chauffés. Toni les fourre dans une sorte de sac-poubelle. D’un autre orifice tombe une poudre orange que Toni se contente d’éparpiller sur la pelouse. Devant mon regard intrigué, il s’explique :
— Ça a l’air de t’intriguer.
— Ben… un peu, oui.
— Le compacteur sépare les matières organiques du reste des déchets. Elles sont réduites en poudre et constituent un excellent engrais. En faire offrande à la pelouse participe à son entretien et nous évite de devoir les ramener avec nous. Quant aux objets en silicarbone, on récupère la matière de base qui sera recyclée.
— Heu… Il ne serait pas envisageable de nettoyer les assiettes et les récipients plutôt que de les déchiqueter et de les recycler ? Je sais bien qu’on était très primitifs à mon époque, mais nous, lors des piqueniques, on rinçait la vaisselle dans un ruisseau.
— Primitifs? Je ne sais pas. Mais indifférents à la pollution, sans le moindre doute. Et puis, où est-ce que tu vois un ruisseau, ici ?

Il est temps de repartir. Le soleil est encore haut dans le ciel, mais Toni semble pressé de quitter les lieux. Je le fais remarquer à Pilane.
— Dis donc, qu’est-ce qu’il arrive à Toni ? Il est soudain nerveux et semble pressé de partir.
— C’est à cause de la légende.
— La légende ? Quelle légende ?
— On raconte qu’un pirate aurait été pendu jadis à cet endroit, à la tombée du jour. Depuis, chaque soir, son âme hante ces lieux et s’en prend aux malheureux qui traineraient dans les parages à l’heure de son exécution. Il serait d’une cruauté particulière pour ceux qui se prétendent pirates, mais n’ont pas fait leurs preuves en mer.
— Et le pirate de pacotille qu’est le Toni des tavernes croit vraiment à cette légende ?
— Il prétend que non, mais je le connais bien. Il est trop prudent pour prendre le risque de se retrouver face à ce fantôme.
Le Toni en question a dû surprendre les commentaires de Pilane. Il la fixe un instant d’un regard sévère, mais très rapidement, fait mine de n’avoir rien entendu.
— Tout le monde est là ? Alors, allons-y !
Ponyo est toujours immobile. Je me dirige vers elle.
— Ponyo ? Tu es là ?
Le robot se réanime soudain.
— Heu… Oui ! Je faisais un petit somme. Il semble régner ici une certaine agitation. Que se passe-t-il ?
— Nous sommes sur le point de redescendre. Nous ne voulons pas te laisser ici toute seule.
— C’est gentil. Allons-y !
Nous rattrapons le reste du groupe qui a déjà pris de l’avance. Nous descendons par un autre chemin, plus court, parait-il, mais aussi plus escarpé.
Apparemment, ce sentier n’est pas très fréquenté, car Toni, qui ouvre la marche, doit, par endroits, nous frayer un passage à l’aide d’une machette.
Au bout d’une demi-heure, le chemin émerge de la forêt pour traverser une longue falaise. Une galerie ouverte est taillée dans la roche sur laquelle est ancrée une main courante en silicarbone, censée rassurer le promeneur. Je ne dois pas être un promeneur comme les autres, car je ne suis pas particulièrement rassuré. Une glissade ici entrainerait une chute de plus de cent mètres à l’issue évidemment fatale.
Tout le monde s’agrippe solidement à la rambarde, à l’exception de Ponyo. Je m’apprête à lui conseiller de se tenir, mais elle est soudain prise d’un de ses spasmes auxquels elle nous a habitués. Tss ! Ce n’est vraiment pas le moment de grignoter.
— Ponyo ! Fais attention !
Trop tard ! Son mouvement la déséquilibre et elle cherche à se reprendre en faisant un pas de côté… du mauvais côté. J’entame un geste pour tenter de la retenir, mais Tong, qui est juste derrière moi, m’en empêche fermement. Je ne peux qu’assister à la chute de la machine. Celle-ci disparait très vite de notre vue, car il serait suicidaire de se pencher pour tenter de la suivre du regard.
— Ponyooooo ! Nooooonnnn !
Toni ne perd pas son sang froid. Il nous fait signe d’avancer.
— Ne restons pas ici ! Allez ! Dépêchez-vous, mais prudemment !
— Mais on ne peut la laisser ainsi. Il faut faire quelque chose !
— Avance ! Quand on aura quitté la falaise, on avisera.
J’obtempère, non sans réticences, persuadé qu’il faudrait immédiatement tenter de descendre pour lui porter secours.
Une fois hors de danger, quelques centaines de mètres plus loin, sans le moindre regard vers le bas de la falaise où s’est écrasé le robot, Toni extrait un disque doré du sac à dos de Noul. D’un geste, il l’active et fait apparaitre une image marine. On y voit un dauphin qui nage selon une trajectoire incohérente, comme s’il était en pleine confusion. Deux de ses semblables tentent de le pousser vers la surface.
— C’est Ponyo ! Je la reconnais à l’entaille qu’elle a sur sa nageoire dorsale. Ponyo ! Tu m’entends?
Apparemment oui, car elle semble soudain émerger de sa confusion et démarre en flèche vers la surface pour respirer.

Un motif abstrait d’ondes qui interfèrent.

— « Ponyo » Oui, Bernard ! Je t’entends. Que s’est-il passé ? Le robot a soudain plongé le long de la falaise, puis la communication a été interrompue. J’ai été fortement secouée lors de la plongée.
— Tu as fait un faux pas… dans le vide. Le robot n’a pu rétablir son équilibre et il est tombé. Il a dû être détruit lors du choc en percutant le fond.

Un robot de téléprésence qui tombe lentement dans l’eau et est démantibulé en touchant le sol au ralenti.

— « Ponyo » Comment est-ce possible qu’il ait été détruit ? Il me semblait pourtant très solide.
— La densité de l’air est beaucoup plus faible de celle de l’eau. Les objets qui y tombent acquièrent une vitesse bien plus élevée que dans l’eau. L’énergie cinétique accumulée lors de la chute est ainsi bien plus importante. Il ne fait pas bon tomber sur la terre ferme. C’est une des premières choses que découvre un enfant lorsqu’il apprend à marcher.

Un dauphin avec des pattes pénètre dans l’océan depuis une plage.

— « Ponyo » Je comprends maintenant pourquoi mes ancêtres ont choisi de retourner vivre dans l’océan.
Toni interrompt notre conversation.
— Ponyo ! Nous sommes très heureux de savoir que tu vas bien. Nous allons maintenant reprendre notre route. Nous reprendrons contact avec toi plus tard. À bientôt.
Sans me demander si j’avais encore quelque chose à dire à Ponyo, il coupe la communication et range le disque doré. Il jette un oeil inquiet vers la falaise que nous avons traversée, puis vers le sommet de la montagne.
— Nous avons trainé en ces lieux plus que de raison. Dépêchons-nous de rejoindre Vique Torilla.
— Mais… Et le robot ? On va le laisser là ?
— Nous ne pouvons de toute manière pas l’atteindre depuis ici. Une équipe de robots d’entretien des écosystèmes s’en occupera en temps utile. Il n’y a pas d’urgence. Il ne s’agit que d’une machine. Ce n’est pas un robot doté d’une conscience propre.
— Tu as sans doute raison. C’était stupide de ma part de confondre Ponyo avec son avatar.
— Ce n’est pas stupide. C’est une des fonctions des robots de téléprésence de permettre aux gens de les identifier aux personnes qui les utilisent. Maintenant, allons-y ! Il se fait vraiment très tard.
Il jette encore une fois un regard inquiet vers le sommet de la montagne et se met en marche. Nous le suivons sans plus discuter.

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