1 – On dit un ou une interface?

Aïe ! Je me redresse brusquement et ouvre les yeux. Je suis sur la plage de Singille où j’ai dû m’endormir. Un crabe qui passait par là a dû me trouver appétissant et a tenté de me gouter.
Le ciel est déjà couvert au-dessus de moi, mais les nuages n’ont pas encore atteint l’horizon. L’avant-garde nébuleuse est teintée de rose par les rayons du soleil descendant lentement vers l’horizon. On pourrait croire qu’il s’enfuit à l’approche du cyclone, mais je suis persuadé que le magnifique halo jaune-orangé qu’il déploie autour de lui est un message rassurant, la promesse qu’il sera de retour après le passage de la tempête.
Il est temps de rejoindre l’interface, Tong doit m’attendre depuis un moment déjà. Comment puis-je rejoindre l’interface depuis ici ? La plage est déserte, je ne puis demander mon chemin à personne. Bah ! Si je longe la plage, je tomberai immanquablement dessus, du moins si je pars dans la bonne direction. Je crois que c’est par là. Je n’ai que le temps de faire quelques pas, quand une flèche verte clignotante s’allume dans le sable devant mes pieds. Elle m’indique que je fais fausse route. Dès que je rebrousse chemin, la flèche s’éteint. La plage semble se terminer au pied d’une petite colline qui s’enfonce dans la mer. Sa forme ne semble pas très naturelle. Comment l’érosion aurait-elle pu lui donner cet aspect ? C’est peut-être cela l’Interface.
En approchant de la colline, je réalise de mieux en mieux qu’elle est artificielle. Tiens, il y a quelqu’un qui marche dans ma direction. Il me fait de grands signes du bras. Serait-ce Tong qui vient à ma rencontre ?
Oui ! Il s’agit bien du cétologue. Je reconnais sa silhouette athlétique. Nous marchons encore quelques minutes avant de nous rejoindre.
— Bonsoir Bernard !
— Bonsoir Tong.
— Je suis désolé, j’ai été occupé jusqu’à maintenant. Je ne t’ai pas fait trop attendre ?
— Non, non ! Je m’étais endormi sur la plage. J’ai même fait un rêve idiot. Une histoire de sirènes, mais avec des jambes humaines et une tête de poisson. Vraiment débile, quoi !
— Pourquoi ? Le concept d’hybride primate-poisson classique avec un corps humain et une queue de poisson est teinté d’anthropomorphisme, tu ne trouves pas ? Essaie de te mettre à la place des peuples de la mer ! Pour un dauphin, une sirène est un cétacé avec des jambes lui permettant de marcher hors de l’eau.
— Oui, oui ! Je peux comprendre ça. Mais là, on était sous l’eau.
— Et ce rêve s’est bien terminé ?
— Heu ! En fait, je suis mort. Mais dans la mesure où je me suis finalement réveillé, oui, on peut dire qu’il s’est bien terminé.
— Alors, c’est bien. Mais ne trainons pas ici, il va bientôt commencer à pleuvoir.
De près, la colline artificielle ressemble à un long cylindre couché à moitié immergé dans la mer. Sa surface est couverte de végétation. Son extrémité maritime doit être ouverte, car on voit un catamaran aérodynamique géant y entrer lentement.
— Ha ! Voilà le Nisshin Maru 37 qui rentre au port.
— Wow ! Sympa comme forme. Mais il est propulsé comment ? Je ne vois pas de mât.
— Au large, il exploite l’énergie de la houle. Pour les manoeuvres et en cas de mer d’huile, il est équipé de petites turbines alimentées par l’énergie rejetée par les chronostats du bord.
— L’énergie de la houle ? En somme, il surfe sur toute une série de vagues à la fois. C’est quelque chose comme ça ?
— Alors là, tu m’en demandes trop. Je ne suis pas ingénieur naval. Tout ce que je sais, c’est que plus les vagues sont hautes, plus il va vite. Évidemment en cas de vague scélérate, il est tout aussi mal barré que n’importe quel autre navire. Mais ce phénomène est aujourd’hui très bien connu et peut être détecté suffisamment à l’avance pour éviter d’en rencontrer sur son chemin.
— J’aimerais le voir de près. C’est possible ?
— Bien sûr ! Tu en auras largement l’occasion ces prochains jours.
Sans me donner plus d’explications, il me fait pénétrer dans l’interface par une petite porte coulissante qui s’est ouverte toute seule dans la paroi rocheuse. Je ne suis même pas étonné par le fait que l’emplacement de la porte était parfaitement invisible avant son ouverture.
La colline est creuse comme le laissait deviner le navire qui s’y est introduit. Il s’agit en fait d’un port couvert avec une série de quais le long desquels sont amarrés une dizaine de bateaux de formes et de tailles variées. Le catamaran est en train d’effectuer les manoeuvres finales d’accostage. On se croirait dans la base secrète du méchant dans un film de James Bond. D’un grand geste du bras, Tong dirige mon regard vers le plafond, situé à une vingtaine de mètres au-dessus de nos têtes.
— Les bureaux et les appartements se trouvent au-dessus du port. Là, sur cette terrasse se trouve la cantine où nous allons maintenant. Tu as faim, j’espère ?
— Oui ! Oui ! Une faim de loup, même ! Mais dis-moi : il n’y a pas une sorte de tour de contrôle pour gérer les mouvements des navires ? L’espace est réduit et les manoeuvres doivent être délicates, non ?
— Il n’y en a nul besoin. Tous nos vaisseaux sont équipés de systèmes anticollision qui n’ont pas été pris en défaut depuis plus d’un siècle. Et puis, tu dois savoir que le sous-réseau de veillance donne une vue complète de ce port depuis n’importe quel point de la planète et même au-delà.
— Ha oui ! C’est vrai ! J’ai encore trop tendance à oublier que nous sommes au 26e siècle de l’ancien calendrier et à tout ramener au contexte de mon époque. Je crois que je ne me serai enfin habitué qu’au moment où j’aurai trouvé le moyen de retourner chez moi, en 1999.
Tong me montre un escalier métallique. Enfin, au 20e siècle, il aurait été métallique. Celui-ci est surement en silicarbone.
— On monte par là !
— Un escalier ? Il n’y a pas d’ascenseur ?
— Si ! Si ! Mais il n’est utilisé que par des feignasses et il n’y en a pas beaucoup par ici. En mer, on a toujours beaucoup d’activités physiques. Au fait, tu sais nager ?
— Heu… Oui, bien sûr. Un peu. Mais ça fait longtemps que je n’ai plus pratiqué. J’ai toujours pensé que l’eau avait deux défauts majeurs.
— Ha oui ? Lesquels ?
— Ben : ça mouille et ça lave !
Tong me regarde d’un air indécis.
— Je plaisante, bien sûr !

La cantine n’a rien à voir avec le restaurant dans lequel Ixycs m’avait invité à mon arrivée à La Fournaise. Il n’y a pas de sommelier virtuel pour nous proposer un choix presque sans limites. Au menu, il y a juste le poisson du jour, parfois deux, plus rarement trois, si le hasard auquel ont été soumis les pêcheurs était particulièrement créatif. Pour les accompagnements, il y a un peu plus de choix, mais rien qui puisse faire oublier qu’il s’agit d’une cantine et non d’un restaurant gastronomique.
Moi qui ne suis pas très motivé par les poissons, il va me falloir faire avec. Ce n’est pas que je n’aime pas le poisson, mais je crois que lorsque j’étais petit, la présence de nombreuses arêtes dans les poissons que l’on me faisait manger, m’avait convaincu que n’importe quelle autre nourriture était préférable. Pour éviter d’offenser mon hôte et de passer pour un enfant gâté, je m’abstiens de tout commentaire prématuré.
— Comment tu trouves ?
— Très bon. Vraiment délicieux. C’est la première fois, depuis que je suis à cette époque, que je mange du poisson qui ne sort pas d’un synthétiseur.
— Ha bon ? Pourtant tous les poissons consommés à La Fournaise viennent de la mer.
— Ben, c’est que c’est la première fois que j’en mange depuis que j’ai quitté Rama.
— C’est regrettable ! Mais je suis certain que tu vas pouvoir te rattraper ces prochains temps.
— Malheureusement, je ne vais pas rester longtemps à La Fournaise. Je compte repartir vers l’Europe d’ici quelques jours.
Tong me fait un sourire que je ne sais comment interpréter.
— Certainement ! Mais tu saisiras sans doute l’opportunité d’en manger où que tu te trouves, non ?
— Probablement, oui ! Mais, dis-moi : si tout le poisson consommé par les habitants de La Fournaise provient de la mer, n’y a-t-il pas un risque d’épuisement des ressources halieutiques ? En tout cas, à mon époque, on était bien parti pour tout bouffer.
— Oh ! Pour ça, il ne faut pas t’inquiéter. D’abord, la population mondiale, et partant, celle de La Fournaise, a fortement diminué. Tu dois le savoir, non ? Et puis, les « ressources halieutiques », comme tu dis… Ha ! Quelle expression barbare ! … se sont pleinement reconstituées depuis qu’a cessé la surpêche et la pollution des océans, ceci grâce à l’aide et aux conseils de nos amis les cétacés.
— Leurs conseils ? Comment cela ?
— Ils étaient les mieux placés pour savoir comment restaurer les écosystèmes marins. Les tentatives humaines étaient plutôt maladroites, c’est le moins que l’on puisse dire.
— Oh ! Je dois avouer que j’ai encore besoin de me faire à l’idée que les cétacés sont plus que des animaux. À mon époque, bien qu’on l’envisageait dans certains milieux, c’était surtout un fantasme New-Age.
— Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui ont de la peine à l’accepter. Mais surtout, peut-être devrais-tu simplement accepter le fait que c’est nous, les humains, qui ne sommes rien de plus que des animaux.
— Oui, sans doute ! Mais, ça aussi, ça aurait fait grincer bien des dents à mon époque.
En silence, nous mangeons notre poisson. Pas une arête à l’horizon. Je me sens obligé de relancer la conversation.
— La pêche, elle se pratique comment, de vos jours ? On utilise toujours des filets ?
— Non, pratiquement plus. Les filets avaient la fâcheuse tendance à capturer des individus sans discrimination de leur espèce, ce qui conduisait à une mortalité non désirée bien trop élevée.
— Ha ! Et comment pratique-t-on alors ?
— En pompant l’eau directement au sein des bancs de poissons. Des dispositifs ingénieux nous permettent d’éviter que les poissons ne soient abimés par les pompes et également de relâcher, sans trop les stresser, les individus d’espèces non ciblées. Et nous travaillons souvent en collaboration avec des groupes de dauphins.
— Comment cela ?
— Une des techniques de chasse des dauphins est de concentrer les bancs de poissons dans des volumes très réduits en leur tournant autour. Il leur suffit alors de se servir tour à tour dans la masse. La collaboration consiste à ce que les cétacés regroupent les bancs de poissons, juste sous les bateaux de pêche, ce qui nous permet de prélever notre part de poissons.
— Oui. Je vois. Mais une collaboration, c’est une situation dans laquelle les deux parties ont quelque chose à gagner. Pour les dauphins, quel est leur l’intérêt dans l’affaire ?
— Ce type de collaboration existait ponctuellement bien avant que nous ne soyons capables de communiquer avec eux. Il s’avère qu’en agissant ainsi, ils s’assurent que nous, les humains, ne pêchions pas n’importe quoi. Il y a chez les dauphins l’équivalent d’un proverbe qui dit quelque chose comme ça : « Donne un poisson au singe, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il videra les océans ! »
— Tu prétends qu’ils seraient plus compétents que nous, pour « gérer » les ressources marines ? Excuse-moi d’employer ce terme, mais c’est le seul qui me vienne à l’esprit.
— Évidemment ! Ils vivent en équilibre dans les océans depuis des millions d’années. Alors que cela fait à peine quelques milliers d’années que la main de l’humain y a, pour la première fois, trempé le bout de son pied pour s’assurer que l’eau n’était ni trop froide, ni trop mouillée.
— Vu comme ça, je suis d’accord.
Nous terminons tranquillement notre repas. Puis Tong s’apprête à se lever.
— Bernard ! Il faut encore que je m’occupe de deux ou trois choses ce soir. Nous t’avons réservé une cabine à bord du Nisshin Maru. Je vais t’y conduire. À moins que tu ne préfères rejoindre ton appartement sous le Mailledot ?
— La cabine ira très bien. J’ai déjà pratiquement rompu avec La Fournaise. Retourner dans cet appartement me paraitrait incongru.
— Et bien, c’est parfait. Allons-y !

Bien que le Nisshin Maru soit à quai dans le port couvert de l’Interface, je m’attendais à ce que mon sommeil soit perturbé par le mouvement du navire. Évidemment, il n’en a rien été. Ma couchette était aussi stable que n’importe quel lit sous la terre ferme. La cabine que l’on a mise à ma disposition est petite si on la compare à un appartement standard et encore plus par rapport à cet appartement si spacieux qui m’a abrité durant mon séjour à La Fournaise. Mais pour une cabine de bateau, elle me parait bien vaste et plus que suffisante pour ma dernière nuit ici. Il y a même une petite salle de bain séparée.
Je pense que la visite de l’interface ne va pas durer une éternité et qu’il serait temps de planifier mon voyage de retour vers l’Europe. Peut-être trouverai-je un départ en planeur ou en dirigeable aujourd’hui même.
La voix de l’intelligence domestique interrompt mes réflexions.
— Bernard ! Tong va arriver dans quelques minutes.
— Très bien. Je suis presque prêt. Laisse-le entrer.
J’avais l’intention de trainer sous la douche. Ce sera pour une autre fois. Aujourd’hui, je me contenterai du minimum.
J’ai bien fait d’emporter mes vêtements dans la salle de bain, car, à ma sortie, Tong est là à m’attendre.
— Ha ! Bonjour Bernard. J’espère ne pas t’avoir réveillé.
— Salut ! Non ! Non ! J’étais déjà réveillé et je réfléchissais à un moyen pour quitter l’ile en direction de l’Europe.
— J’ai justement une petite idée à ce sujet. Mais si nous allions prendre le p’tit déj, qu’en penses-tu ?
— Bonne idée. Un bon café me fera du bien. Là, je suis prêt. Alors, allons-y !

Je pensais que nous allions retourner à la cantine où nous avions mangé hier soir. Il n’en est rien. Nous nous rendons au réfectoire du navire. Il s’agit de la plus grande pièce du bâtiment, s’étendant sur toute la largeur et presque un quart de la longueur au niveau du pont principal. Une partie du local sert de réfectoire proprement dit, le reste est aménagé comme un salon, avec de confortables canapés orientés vers une large baie vitrée donnant sur l’avant du navire. À notre arrivée, Tong m’emmène vers une table déjà occupée par deux femmes. Elles nous saluent chaleureusement.
— Bonjour Bernard ! Je suis très heureuse de te rencontrer.
— Bonjour Bernard ! Bienvenue à l’Interface.
Je leur retourne leurs salutations avec le genre de platitudes dont je suis coutumier.
— Bonjour mesdames ! Tout le plaisir est pour moi.
Tong prend la parole.
— Bernard, laisse-moi te présenter Koulienne, qui est responsable de l’itinéraire du Nisshin Maru et de son suivi au jour le jour.
— Ha ! Alors tu es le cap… la capitaine ?
— Non ! J’en ai bien quelques attributions, mais en aucun cas le pouvoir. De nos jours, les rares personnes qui se prétendent encore capitaines finissent par naviguer en solitaire.
Tong désigne l’autre femme.
— Et voici Tienou ! Elle est notre meilleure intermédiaire.
— Intermédiaire ? Comment cela ? Avec qui ?
— Mais avec les peuples de la mer, voyons !
— Ha ! tu es capable de parler avec les dauphins et les baleines, alors ?
— Bien sûr ! Comme tout le monde. Toi aussi, tu en es capable, même si tu ne l’as jamais fait.
— Ho ! Et on utilise aussi nos mentors comme interprètes ? Comme avec les singes ?
— Sur le principe, oui. Mais la technologie mise en oeuvre est très différente. Je ne suis pas sure que ton Jimini soit capable de parler sous l’eau. En plus, cela m’étonnerait qu’il sache nager.
À ces mots, je sens une sorte de tremblement sur mon épaule, là où Jimini, mon mentor, est perché. Je tords le cou pour essayer de l’observer. Il donne l’impression de vouloir rentrer sa tête sous ce qui lui sert d’épaules.
— Tu as raison. Je pense que je devrai me passer de ses services pour faire la causette à Flipper.
Tienou m’interroge :
— Flipper ? Qui est-ce ?
— Ho ! C’était le personnage principal d’une série télévisée américaine quand j’étais gosse. Un dauphin.
— De quelle espèce ?
— Je sais pas, moi. Un dauphin, quoi ! Il y en a plusieurs ?
— Bien sûr. Les dauphins se classent eux-mêmes en 42 espèces différentes selon une classification très différente de celle que nous utilisions autrefois. Et puis, il y a la quinzaine d’espèces qui ont été exterminées par l’impact des activités humaines. Tu peux le décrire ?
— Ben… Attends que je me souvienne… Heu… Il était long d’environs… disons trois mètres. Il était gris, avec le ventre blanc. Enfin quand je dis gris, je sais pas, mes parents avaient une télé en noir-blanc. Et ça se passait en Floride, je crois.
— Ton dauphin, il avait des taches ou des sortes de rayures sur le corps ?
— Heu… non. Je ne crois pas.
— Alors, c’était surement un tursiops. Et elle était bien cette série ?
— Ouais ! Moi, je l’aimais bien. J’étais même fasciné par cet animal qui se comportait presque comme un humain. Mais si j’en revoyais un épisode aujourd’hui, je ne sais pas ce que j’en penserais. Quelqu’un sait-il si elle a été conservée jusqu’à nos jours ?
La voix synthétique standard du Réseau se mêle à la conversation.
— Il n’en subsistait que quelques extraits avant le retour du Santa-Maria. Mais les archives du vaisseau interstellaire contiennent l’intégrale des trois séries, « Flipper le dauphin » diffusée entre les années -6 et -2, « Les nouvelles aventures de Flipper le dauphin » diffusée entre 25 et 30 et « Pardonne-nous, Flipper ! » diffusée entre 56 et 61.
— Je ne savais même pas qu’il y avait eu une seconde série entre… 1995 et 2000. Quant à la troisième, ben je n’étais plus là pour avoir eu l’occasion de la suivre. Mais on s’égare, là. Tu me disais que je serais capable moi-même de parler avec des dauphins ? C’est cool !
— Et aussi avec la plupart des espèces de baleines.
— Est-ce que je pourrais en rencontrer aujourd’hui ? Ça me dirait vraiment bien de faire cette expérience. J’ai bien sûr déjà parlé à des grands singes, mais ils sont tellement similaires à nous. Avec des cétacés, ça doit être autre chose, non ?
— Aujourd’hui, je ne sais pas. Il n’est pas prévu de rencontre à l’interface aujourd’hui. Mais tu auras de nombreuses occasions ces prochains jours.
— Ho crotte ! Ça tombe mal. Je prévoyais de partir vers l’Europe aujourd’hui même, ou au plus tard demain.
Les deux femmes se tournent vers Tong, l’air étonné.
— Tu ne nous avais pas dit qu’il embarquerait avec nous ?
Là, c’est moi qui suis étonné.
— Hein ! Que quoi ?
Tong semble pris de court. Il agite timidement ses mains devant sa poitrine.
— Heu ! Désolé ! J’allais t’en parler. Mais je n’ai pas eu le temps.
— Bon ! Ben, il s’agit de quoi ? Tu voudrais que je reste encore quelque temps à La Fournaise ?
— Non ! En fait, le Nisshin Maru appareille aujourd’hui même pour une mission à travers l’océan Indien qui devrait se terminer dans deux mois sur les côtes européennes en Méditerranée, plus précisément à Sinmandrille. Je pensais que tu souhaiterais faire la traversée avec nous. Je n’ai pas eu le temps de te mettre au courant de nos projets. Je ne savais déjà pas exactement quand tu nous rejoindrais, puis il a fallu avancer le départ pour éviter le cyclone et pour couronner le tout, il y a eu cette affaire avec les orques de Rodrigues.
La première image qui me vient en tête est celle de ces monstres du folklore européen qui m’ont tellement impressionné, lorsqu’adolescent, j’ai lu le « Seigneur des anneaux ». Puis rapidement, je réalise qu’il fait allusion à cette espèce de grand dauphin carnivore noir et blanc.
— Ben… Heu… Pour venir avec vous… je veux bien. Mais j’aimerais en savoir un peu plus. Et puis, cette histoire d’orques, c’est quoi ?
— Un groupe d’orques non connectées s’est mis à détruire systématiquement les colonnes d’extension des récifs de corail de l’ile de Rodrigues. Cela ne s’était plus produit depuis des dizaines d’années. Afin de comprendre leur motivation, il faut que nous prenions contact avec eux et l’affaire est plutôt mal engagée pour l’instant. Enfin, il y a maintenant un noeud qui s’est formé pour gérer cette histoire. Je vais enfin pouvoir me consacrer pleinement à notre prochaine expédition. Nous sommes ici pour en parler, justement.

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