Intermède

Un grand oiseau blanc marqué d’une ligne noire, avec une queue qui n’en finit pas, plane sereinement au-dessus de la forêt. Les hasards des vents et de sa curiosité l’amènent à survoler des terres que jamais encore il n’avait explorées. Ici, comme sur toute la côte est de l’ile, la forêt s’étend en pente douce du rivage jusqu’au sommet de la montagne. Parfois, dans les clairières, il aperçoit d’étranges mammifères bipèdes, les plus grands animaux vivant en ces lieux. Habitant dans des terriers, ils ne montent à la surface que pour se promener sans but précis, ou pour s’allonger des heures au soleil. Ils se déplacent par petits groupes de deux ou trois, rarement seuls, mais parfois par troupeaux de centaines d’individus. Dans ce dernier cas, ils sont généralement pris d’une frénésie indescriptible, au rythme de vocalises assourdissantes qui font fuir au loin tout autre être vivant un tant soit peu raisonnable. Est-ce là la manifestation des parades amoureuses de cette espèce ?
Dans la clairière qu’il survole actuellement, l’oiseau n’aperçoit aucun bipède. Par contre, en son centre se dresse une chose telle qu’il n’en a jamais vue. Ce n’est ni une plante, ni un animal. On dirait un oeuf géant aplati. Ce qui parait vraiment étrange est que l’on peut voir au travers de la chose. À l’intérieur, il y a de nombreux bipèdes. Voilà pourquoi on n’en voyait pas dans la clairière. Mais que font-ils là ? Ont-ils été dévorés par la chose ? À première vue non, car ils ne semblent nullement incommodés par leur situation. Voilà qui est totalement nouveau et incompréhensible. L’oiseau semble curieux d’en apprendre plus. Malgré une légitime appréhension, il se laisse glisser en direction de la chose.
Il a beau en faire le tour de nombreuses fois, il ne parvient pas à déterminer la nature de cette chose inconnue. Tout simplement, ça ne colle pas ! La prudence imposerait que dans le doute, il s’en tienne à distance, mais la curiosité est la plus forte. Il faut qu’il vive le contact avec elle. Il choisit de se poser en périphérie de la chose, là où sa surface est suffisamment inclinée pour lui permettre de se poser rapidement et lui permettre aussi, le cas échéant, un décollage en catastrophe facilité. Il courbe ses ailes pour ralentir tout en augmentant la portance au maximum et ramène ses pattes vers l’avant. Ça y est, il va se poser sur la chose. Celle-ci semble pouvoir le porter. Mais au moment où l’oiseau replie ses ailes, il commence soudain à s’enfoncer. Par réflexe, il les redéploie et les bat furieusement dans l’espoir de s’arracher à la chose inconnue qui cherche à l’engloutir. Après quelques longues secondes d’une lutte désespérée, il parvient à s’envoler et s’éloigne rapidement vers des régions moins dangereuses.

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