Ponyo ne s’est plus manifestée depuis le jour qui a précédé notre rencontre avec Poseïdonia. Je commence à m’inquiéter. Le Réseau tente de me rassurer en m’informant que cette situation, qui serait totalement anormale sur la majorité des terres émergées, est courante dans les océans et même dans certaines zones continentales non équipées en veillance en raison de la très faible densité humaine. Loin des répéteurs, les connecteurs des cétacés sont inactifs et il est impossible de les localiser. Ce qui me tracasse, ce n’est pas seulement sa longue absence, mais le fait qu’elle ne m’ait pas avertie qu’elle s’absenterait si longtemps. Mais même doté d’une intelligence artificielle, le Réseau n’est surement pas capable de comprendre ça.
L’ennui provoqué par la contemplation vaine d’un océan vide de la présence désirée, ajouté à l’angoisse née de cette absence, ôte tout attrait à rester des heures assis sur mon minuscule poste d’observation à l’avant du Nisshin Maru. Je passe maintenant bien plus de temps dans le poste de pilotage en compagnie de Koulienne. Nous ne parlons presque pas, mais sa seule présence me fait du bien et je crois qu’elle aussi apprécie que je sois là, un peu comme un chat dormant sur un canapé peut changer la vie d’une personne solitaire.
Ce matin, nous sommes passés au large de Couetteheavyillande, une ile qui, selon les archives récupérées dans le navire interstellaire Santa-Maria, avait été utilisée pour l’élevage intensif des crevettes, puis servit de prison durant de nombreuses années. Avant la montée des eaux, cette ile plate longue d’une dizaine de kilomètres et large de 1500 mètres, sans le moindre relief, surplombait la mer d’une dizaine de mètres, ce qui lui permit d’éviter l’engloutissement. Partie émergée d’un massif corallien ressemblant vaguement à un carré d’une quinzaine de kilomètres de côté et profond de seulement quelques dizaines de mètres, Couetteheavyillande fut un des premiers sites d’expérimentation des technologies coralliennes, il y a déjà près de deux siècles. L’ensemble du massif trône désormais à trois mètres au-dessus du niveau de la mer. Seules quelques colonnes coralliennes démodées sont encore présentes le long du rivage pour favoriser le développement d’une nouvelle barrière sur la pente du massif.
La mer étant un peu calme, nous sommes en retard sur le planning, nous n’arriverons à Toutosued que bien après le coucher du soleil. Mais personne à bord n’en semble affecté. Tout le monde vaque à ses occupations habituelles. Moi, je voudrais bien déjà être arrivé à quai et pouvoir me dérouiller les jambes autrement qu’en faisant des allées et venues sur la surface synthétique du pont. Mais bon, d’un autre côté, ce ne sera une fois de plus qu’un banc de sable avec trois cocotiers dessus. Et encore, ce n’est même pas sûr qu’il y ait des cocotiers. Mes rêves, la nuit, sont de plus en plus envahis par de hautes montagnes que je parcours en tous sens. Ponyo y est parfois présente, mais sous la forme d’une sirène comme celles de mon rêve sur la plage de Singille, avec de belles longues jambes et ce qu’il y a au-dessus. Aaaah ! Ponyo, où es-tu ? As-tu perdu la trace du Nisshin Maru, as-tu rencontré un beau mâle qui t’aurait fait oublier ton attirance pour les humains ou t’est-il arrivé quelque chose de grave qui t’empêche de nous rejoindre ? Es-tu seulement encore vivante ?
— Bernard ?
C’est Ariel, la version aquaphile de mon mentor, qui m’interpelle.
— Jim… Ariel ? Qui a-t-il ?
— Je voulais te signaler qu’un contact a été brièvement établi avec le connecteur de ton amie Ponyo.
Je suis soudain tout excité.
— Hein ! C’est vrai ? Où est-elle ?
— Lors du contact, elle était avec un groupe d’individus de son espèce, non connectés, au large de Platteillande, à environ 150 km d’ici.
Alors, c’est ça ! Elle a rejoint ses semblables et ne s’intéresse plus à moi. Enfin, c’est très bien comme ça. Elle sera bien plus heureuse parmi ses semblables qu’à poursuivre des chimères interespèces.
— Oh ! Bien ! Et comment va-t-elle ?
— Ses fonctions biologiques sont nominales.
— Ses fonctions biologiques sont nominales ? Ça veut dire qu’elle va bien, alors?
— Si cette qualification bien plus vague te convient mieux, alors oui, elle va bien.
Savoir que Ponyo s’est intégrée à un groupe de son espèce me fait plaisir, mais cela signifie également que je ne la verrai probablement plus jamais. L’angoisse fait place à une certaine mélancolie. Mais la mélancolie, je m’en accommode facilement, c’est une amie de longue date.
L’après-midi touche à sa fin. C’est bientôt l’heure du repas.
Comme d’habitude, le repas est l’occasion de discutailler de tout et de rien. Le thème de la montée des eaux est récurrent, car évidemment, il est au centre des préoccupations des marins contemporains. Ce soir, la conversation dérive sur un des corolaires de la montée des eaux, les civilisations englouties. Mais seuls quelques uns participent activement au débat, les autres semblant plutôt agacés par le sujet.
— Bernard! Que disait-on à l’Éclosion du mystère de l’Atlantide?
— L’Atlantide? C’était un vieux mythe grec. C’était Platon qui en était à l’origine. Il s’était inspiré de mythes oraux encore plus anciens. Il en a fait une oeuvre de fiction que des armées d’illuminés prennent à la lettre. Enfin, au vu de la diversité des théories émises à ce sujet à mon époque, ce n’était pas tant pris à la lettre que cela. Et je n’ose pas imaginer les élucubrations qui ont dû émerger depuis lors. Ha! Ha! Émerger! Tout le contraire de l’Atlantide.
— Tu ne crois donc pas qu’il y ait réellement eu une civilisation très avancée qui fut engloutie par un cataclysme il y a des milliers d’années?
— Ben, d’abord, les gens que j’ai rencontrés à cette époque-ci prônaient, je le soupçonnais déjà avant, que croire n’est qu’un pis-aller, que l’important ce n’est pas de croire, mais de comprendre. Alors, non! Je ne crois pas à ce mythe. Mais je serais très intéressé à le comprendre, à en savoir plus sur les circonstances qui ont poussé Platon à écrire ce récit, à entendre les légendes qui l’ont inspiré.
— Mais il y a tant de détails exacts dans le récit de Platon, que ce ne peut être qu’authentique. Par exemple, il situe l’Atlantide au-delà des colonnes d’Hercule et tout le monde sait qu’elles étaient situées de part et d’autre du détroit de Gibras-Letard. Et il y a effectivement des iles qui ont été englouties par la montée des eaux liées à la fin de la dernière glaciation, il y a 9000 ans. Exactement comme dans le récit de Platon.
— Bien que le niveau de la mer montait de plusieurs mètres par siècle en ce temps-là, j’ai de la peine à appeler cela un cataclysme. À l’échelle humaine, cela reste très lent.
— Oui, mais non! Les Atlantes avec leur technologie supérieure ont très certainement construit des digues pour se protéger et puis, un jour, celles-ci ont cédé, engloutissant leur capitale en un instant.
— Ces digues, c’était dans le récit de Platon?
— Mais… Heu…
— Et puis, à ma connaissance, on n’a jamais retrouvé de vestiges témoins de technologies supérieures à celles des civilisations connues des environs.
— Ouais! Mais c’est parce que les survivants, après la catastrophe, ont utilisé leur important stock d’orichalque, leur fabuleux métal antigravitationnel, pour restituer leurs anciens territoires à la nature, comme nous le faisons nous-mêmes actuellement.
— Ah oui! L’orichalque! J’insiste, mais où vois-tu dans le récit de Platon que ce métal avait des propriétés antigravifiques? Et puis, ce métal devrait avoir sa place dans le tableau périodique des éléments ou être un composé d’éléments connus. Or, si je ne m’abuse, même à l’heure actuelle, on ne connait aucun matériau qui ait de telles caractéristiques. Les chronostats ont bien la faculté de repousser les lignes de champs gravitationnels autour d’eux, mais il ne s’agit pas simplement d’un métal.
— Ce qui est bien la preuve de leur avance technologique! Ça t’en bouche un coin, hein!
Je pense surtout que, bien que ces gens soient des scientifiques, ils n’en sont pas moins sujets à l’irrationalité humaine, prêts à gober n’importe quelle niaiserie qu’on leur présenterait sous des atours séduisants.
— Écoute! Je ne vais pas prétendre qu’il n’y ait pas eu, ici ou là, une cité côtière qui aurait été engloutie par un cataclysme lié à la montée des océans, bien au contraire. Cela a dû se produire de nombreuses fois et un peu partout sur la planète. Et je ne doute pas que ces évènements ont été à la source de tous ces mythes, que ce soit celui de l’Atlantide, du Déluge et de tant d’autres. Par contre, le barbare primitif et ignorant qui te parle affirme sans hésiter que la technologie de ces civilisations disparues n’était pas en avance sur la technologie actuelle, ni sur celle de l’Éclosion, ni même sur celle des Grecs. Par contre, elle l’était vraisemblablement sur celle des sociétés pastorales nomades qui, elles, n’ont eu aucune peine à se tenir à distance des eaux montantes. Leurs conteurs ont ensuite propagé des histoires qui se gaussaient de ces citadins arrogants, morts avec leurs maisons qu’ils étaient incapables de déplacer.
C’est bizarre, mais tout à coup, plus personne ne cherche à répliquer, du moins pas aujourd’hui. Quelqu’un raconte une blague, tout le monde rit et l’Atlantide retombe dans l’oubli. À tour de rôle, chacun raconte une de ses histoires drôles préférées. Vient le moment où c’est à moi de tenter d’amuser la galerie.
— Et toi, Bernard! Raconte-nous une blague de l’Éclosion.
J’hésite à leur raconter celle du programmeur COBOL qui se fait congeler pour échapper au bug de l’an 2000 et qui se fait réveiller en 9999 parce qu’il est alors le dernier programmeur COBOL encore en vie. Non! Ça ferait un peu trop autobiographique et, qui sait, il y a peut-être encore un très vieux programme sur ce rafiot qui aurait besoin d’être débogué. Je vais plutôt leur raconter une histoire en relation avec la mer.
— Alors, voilà! L’histoire commence par une nuit de brouillard sur la passerelle d’un bâtiment en pleine mer. Le pilote détecte un écho sur son radar et une vague lumière clignotante, droit devant lui. Il saisit le micro de la radio du bord et lance un appel:
— Vous êtes sur notre trajectoire et le risque de collision est non négligeable. Nous vous demandons de bien vouloir virer de 30° à tribord pour nous éviter. À vous !
— Après quelques secondes de silence, une voix sort du hautparleur:
— Nous avons bien reçu votre appel, mais c’est nous qui vous demandons de virer de 30° à bâbord afin d’éviter un accident. À vous !
— Le pilote reprend la parole.
— Il semblerait que vous n’ayez pas bien compris. Nous vous demandons instamment de virer de 30° à tribord pour éviter tout risque de collision. À vous !
— Nous vous avions parfaitement compris, mais nous répétons que c’est à vous de virer de 30° à bâbord. À vous !
— Très calme et professionnel, le pilote ne se laisse pas démonter. C’est juste d’une voix un peu plus ferme qu’il répond:
— Nous n’avons pas le temps de tergiverser. Il est impératif que vous viriez immédiatement de 30° à tribord. À vous !
— Tout aussi calmement, du hautparleur vient la réponse.
— Négatif! C’est à vous de virer au plus vite de 30° à bâbord! À vous !
— Là, j’abrège un peu. Je passe sur une série d’échanges similaires au cours desquels le pilote perd progressivement patience et s’énerve petit à petit et où les réponses sont toujours faites d’une voix calme et assurée. Finalement, le pilote n’en peut plus et explose:
— Qui que vous soyez, sachez que j’ai la responsabilité d’un bâtiment de cinquante-millions de tonnes, avec six-millions de passagers à bord. Alors, si vous ne virez pas TOUT DE SUITE de 30° à tribord, vous serez tenus pour responsables de votre collision avec le SS Poseïdonia!
Autour de la table, tous les visages se figent.
— Bien reçu! Moi, je suis gardien de phare et si vous ne changez pas immédiatement de trajectoire, c’est vous qui allez entrer en collision avec un continent peuplé de 120 millions d’habitants et pesant je ne sais combien de milliards de tonnes! À vous !
— Elle était drôle, hein! Ha! Ha! Ha!
Je suis le seul à rire. Réflexion faite, j’aurais dû m’en tenir à la version de l’USS Clinton, porte-avion de la marine des États-Unis d’Amérique.
Le repas se termine sans nouvel incident. Pilane, qui semble avoir oublié ma maladresse de tout à l’heure, me prend doucement par le bras.
— Viens ! Allons sur le pont. As-tu déjà vu des colonnes coralliennes de nuit ?
— Non ! On ne doit pas voir grand-chose. À moins qu’il n’y ait un clair de lune.
— Tu risques d’être surpris. Viens !
Le Nisshin Maru suit un cap nord-nord-ouest. Le soleil est couché et illumine encore quelques nuages roses au-dessus de l’horizon occidental. À l’est, la nuit a déjà étendu son manteau d’obscurité. Seules quelques étoiles scintillantes permettent de distinguer le ciel de la mer. Au nord, droit devant nous, une étrange lueur jaune s’acharne à lutter contre les ténèbres. Sa source est manifestement située au-delà de l’horizon.
— Pilane ! C’est quoi cette lueur, là devant nous ? Une ville ? Toutosued ? Avec toute cette lumière, il doit y avoir beaucoup d’habitants. Ce n’est tout de même pas…
J’allais lui demander s’il ne s’agissait pas de Poseïdonia, mais je me retiens au dernier moment.
— Non ! Toutosued est bien l’ile qui est désormais la plus grande de Floridanous, mais actuellement, elle est encore à peine plus grande que l’ile de Cocoïllande où nous avions fait escale. Ce n’est encore qu’un grand banc de sable avec très peu de végétation. Ce n’est encore qu’un chantier. Seuls les noeuds de maintenance des colonnes coralliennes y sont installés. À terme, il est prévu que tout Sèche Aile ne soit plus qu’une seule grande ile de plus de 350 km de long et environ une cinquantaine de large, parsemée de lagons qui seront progressivement comblés.
— C’est énorme ! Mais si actuellement ce n’est pas encore réalisé, c’est quoi cette lumière ?
— Le rayonnement solaire récolté par les capteurs des colonnes durant la journée est en partie stocké pour être restitué en début de nuit.
— Tu veux dire que la partie sous-marine des colonnes coralliennes est aussi éclairée de nuit et que c’est la part de cette lumière qui filtre à travers la surface que l’on voit là ?
— C’est tout à fait ça.
— Mais pour que la faible part qui s’échappe vers le ciel soit visible à ce point, il doit y en avoir des quantités de ces colonnes !
— Environ 235’000 sur l’ensemble du chantier des Sèches Ailes. Mais ce n’est rien, comparé au chantier de Floribamas, sans même parler du mégaprojet de Sainghapoore.
J’essaie de m’imaginer l’immensité d’un tel dispositif. C’est absolument dantesque. Même la cité flottante de Poseidonia est touti riquiqui comparé à ce que me suggère Pilane. Pourquoi en font-ils tout un plat ? Je me projette en altitude pour imaginer le spectacle vu du ciel.
— Mais, dis-moi : toute cette lumière doit être parfaitement visible depuis l’espace. Pourtant, lorsque j’étais dans Rama, j’ai observé la Terre depuis le Plongeoir et je n’ai vu que de l’obscurité et quelques orages sur la face nocturne de la planète. J’aurais dû apercevoir une luminosité au moins aussi importante que celle que les villes de mon époque envoyaient vers le ciel.
Elle parait surprise.
— C’est étonnant. Mais probablement qu’à ce moment-là, Rama survolait une région située en seconde partie de nuit. Les colonnes s’éteignent trois à quatre heures après le coucher du soleil. Et la couverture nuageuse était peut-être assez importante cette nuit-là.
— Peut-être, oui.
En silence, nous contemplons cette lueur s’intensifier au fur et à mesure de notre approche. Soudain, j’aperçois un point rouge clignotant juste au-dessus de l’horizon, puis deux, puis trois, puis de plus en plus. Très rapidement, je renonce à les dénombrer, car c’est toute une barrière vermillon qui se dresse en palpitant devant nous. Pilane tend un bras vers cette dernière.
— Ces lumières sont disposées sur le sommet des colonnes coralliennes pour avertir de leur présence d’éventuels aéronefs, même si on n’en voit pas souvent par ici.
— J’avais deviné. Tu sais, à mon époque, on avait aussi des avions. Et probablement bien plus nombreux qu’aujourd’hui. Alors des feux de signalisation, on en voyait tous les jours. Heu… toutes les nuits. Mais je dois quand même avouer que je n’en ai jamais vu avec une aussi grande densité. Ça fait très guirlande de Noël.
— Noël ? J’ai entendu une histoire sur un vieux bonhomme qui s’appelait comme ça et qui parcourait le monde entier sur un traineau à réaction pour distribuer des rations de nourriture dans les régions victimes de sinistres. Ainsi, il y aurait eu des feux de signalisation sur son traineau ?
Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.
— Ouais, c’est à peu près ça.
Lorsque les bases des premières colonnes apparaissent à l’horizon, celles-ci sont entourées d’une tache jaune scintillante émise par la surface de la mer. Une illusion d’optique donne l’impression de voir un grand feu sous-marin au travers d’une plaque perforée.
Derrière nous, les dernières lueurs du crépuscule s’éteignent rapidement dans le ciel équatorial. Pourtant, il ne fait pas nuit. Nous voguons en lisière d’une forêt d’arbres de silicarbone aux fruits rouges clignotants et aux racines immergées luminescentes. L’image d’une forêt incandescente, aux troncs dénudés et gris de cendre qui émergent d’un sol couvert de flammèches scintillantes, s’impose à mon esprit. Une image tragique, mais fascinante.
Petit à petit, la luminescence sous-marine s’estompe, laissant la nuit prendre la place qui est la sienne. Seuls les clignotants rouges percent encore en rythme l’obscurité retrouvée. Non ! Au-devant de nous, quelques faibles taches blanchâtres résistent encore et toujours à l’envahisseur nocturne.
Ces lumières ne ressemblent pas à celles émises par les colonnes coralliennes. Elles possèdent un noyau presque ponctuel et semblent provenir de sources situées légèrement au-dessus de l’horizon. Je finis par réaliser qu’il s’agit de l’éclairage domestique d’habitations situées sur une ile toute proche, sans doute Toutosued.
Bientôt, je parviens à distinguer un appontement en bois, ou plus probablement en cet omniprésent silicarbone, vers lequel le Nisshin Maru est en train de se diriger. L’accostage se fait rapidement et avec un minimum de manoeuvres. Je me tourne vers Pilane.
— Ce bled me parait moins vivant que Cocoïllande. On ne dirait pas que nous sommes attendus. Il n’y a pas de grande fête pour nous accueillir.
— Mais qu’est-ce que tu crois ? Que les bons sauvages locaux nous accueillent comme des dieux arrivant sur nos nefs célestes à chacun de nos passages ? À Cocoïllande, nous avons eu la chance d’arriver un jour de fête. Elle n’avait pas été organisée pour nous. Et ici, ce n’est qu’un village de chantier. Les habitants ont trimé dur toute la journée. Ils n’ont probablement d’autre envie que d’un repos bien mérité. Seules deux ou trois personnes vont débarquer ce soir. Ils remonteront à bord pour y dormir comme tous les autres. Et c’est tout ce qu’il nous reste à faire. Viens ! Allons nous coucher et dormons, à moins que tu n’aies d’autres idées.
Je crois surtout que ces autres idées, c’est dans son esprit qu’elles ont germé. Mais je mentirais si je prétendais ne pas les partager. J’imagine déjà les délicieux moments que nous allons partager. Je me blottis tout contre elle.
— Oui ! Allons-y !