Intermède

Un câble électrique, comme il en existe depuis des siècles partout sous la planète. Bien sûr, il n’a plus grand-chose à voir avec les simples fils métalliques enrobés d’un isolant synthétique. Sa structure particulière lui donne des caractéristiques proches des supraconducteurs, mais à température ambiante. Son isolation multicouche la protège contre toutes les atteintes imaginables, même celle d’un hypothétique rongeur qui aurait imprudemment eu accès à cette gaine technique. La seule faiblesse de cette isolation est une certaine sensibilité à un échauffement originaire de son âme conductrice. Une telle situation est impossible, car même un court-circuit provoquant un courant d’un million d’ampères ne parviendrait pas à élever la température du câble d’un seul Kelvin.
Mais voilà, c’est la faute à pas de chance, ce câble-ci possède un minuscule défaut qui a échappé aux contrôles de qualité. Oh ! Rien du tout. Juste une minuscule fissure de quelques microns de profondeur. Toutefois, au cours de dizaines d’années de fonctionnement parfaitement normal, la fissure s’est progressivement étendue jusqu’au centre du conducteur, entrainant une modification de sa structure au point de lui faire perdre sa conductivité électrique presque infinie. Un effet d’emballement est la cause d’un échauffement rapide du câble, reniant toutes les lois de l’impossibilité physique. Très rapidement, l’isolant s’enflamme.
Les innombrables capteurs qui renseignent le Réseau sur les moindres évènements se produisant en tous lieux sont alimentés par le câble défectueux. De plus, les minuscules fibres transportant les informations recueillies par les capteurs courent également dans la gaine en cours d’embrasement. Avant même que les détecteurs d’incendies aient le temps de réagir, ils ne sont déjà plus en mesure de signaler le sinistre. Le Réseau prend juste connaissance qu’un secteur n’est plus sous veillance et qu’il serait judicieux d’envoyer une équipe de maintenance pour réparer la panne.
Le feu perce le plafond d’un des innombrables couloirs creusés sous l’ile de La Fournaise. Là, il trouve à son gout les pigments multicolores décorant les parois. Il les dévore goulument, se propageant à grande vitesse le long du tunnel heureusement désert. Alimenté par une ventilation efficace, le brasier se transforme en un instant en une succursale de l’enfer. Déjà, il s’attaque aux portes des habitations adjacentes.
Enfin, plus loin dans le dédale, des détecteurs encore fonctionnels déclenchent l’alarme. Mais de précieuses minutes ont été perdues. L’incendie a pris des proportions telles que les systèmes automatiques d’extinction ne peuvent en venir à bout. Autant vouloir éteindre la gueule d’un dragon avec un pistolet vaporisateur. Les logements menacés sont évacués par des tunnels de secours dont certains habitants ne connaissaient même pas l’existence. Les couloirs en proie aux flammes sont rapidement isolés par des portes pare-feu, piégeant une dizaine de personnes que, pour leur malheur, le destin avait placées au mauvais endroit au mauvais moment.

Il faut plusieurs jours pour circonscrire complètement le sinistre. Des années plus tard, il reste gravé dans toutes les mémoires. Heureusement, ce genre d’incidents ne se produit qu’une ou deux fois par siècle.

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