Dehors, la nuit doit être tombée depuis bientôt deux heures. Il n’y a plus grand-chose à faire ce soir. Tous, sauf le capitaine, ont vu leur température corporelle remonter jusque vers 32 °C. Le coeur et la respiration ont été relancés sous le contrôle de leur caisson. Ils seront maintenus à cette température durant plusieurs heures, le temps que les autres fonctions de l’organisme se remettent en route. L’intelligence artificielle du Centre Culturel Spatial va assurer la supervision durant la nuit. Pour Trembley, la situation devient inquiétante. Il n’y a toujours aucun signe de vie. Si rien ne se passe jusqu’à demain, son caisson pourrait être ouvert de force. La décision n’est pas encore prise, aucun consensus ne s’étant formé pour l’instant.
On m’a proposé de participer à une petite fête organisée par les neuroticiens. J’ai pas trop envie de faire la fête et de plus, les neuroticiens sont pas mieux que les informaticiens. Pour eux, il n’y a rien de plus fun que de parler boulot et leur humour se limite à faire des calembours gras basés sur le mot « bit ».
Non, ce soir, comme presque tous les soirs d’ailleurs, j’ai envie d’être seul. Cette visite aux sentinelles me semble une bonne idée. Le temps de grignoter un truc à la cantine et j’y vais.
L’obscurité est totale. L’ascenseur vient de déboucher à la surface. La lumière qu’il dispensait durant la montée provenait des parois désormais absentes. Seule une flèche verte luit faiblement sous mes pieds. Elle semble m’indiquer la direction à prendre. J’avance de quelques pas. La flèche s’éteint. Cette fois, je suis totalement perdu. Tout est noir, je n’ai plus un seul repère. Tiens, si : sur ma droite, il y a une vague lueur rouge dont l’intensité fluctue sur une période de cinq à six secondes.
Petit à petit, mes yeux s’adaptent à l’obscurité. Un point blanc s’allume, puis deux, puis trois, puis le ciel se couvre littéralement d’étoiles. Je devine, plus que je ne vois, une forêt qui s’étale de part et d’autre de ce qui pourrait être un chemin. La lueur rouge, c’est le souffle d’un dragon qui, tapi au fond du cratère du volcan, à dix kilomètres d’ici, périodiquement crache des langues de feu.
C’est dingue ce que l’on peut voir rien qu’à la lueur des étoiles. Il n’est pas question de distinguer les couleurs, ni même de percevoir les détails, mais il m’est clairement possible de différencier plusieurs nuances d’obscurité. Sur les côtés, la forêt se distingue par un noir absolu, alors que celui du chemin est un peu plus hésitant. Mon corps demeure invisible, sauf si je place une main entre mes yeux et la voute étoilée. Pourtant, mon cerveau prétend le voir, s’aidant d’une construction mentale et des quelques rares photons parvenant jusqu’à mes rétines.
Je me mets prudemment en marche. Il n’est pas question de trébucher. Les laves vomies par La Fournaise sont coupantes comme du verre. Bien que je sache qu’en cas de blessure, je serais très vite secouru, je n’ai nullement l’envie d’en faire l’expérience.
Même le temps est imprégné d’obscurité. Je ne sais pas depuis combien de temps je marche, ni quelle distance j’ai parcourue. Mais voilà que devant moi, la forêt semble s’écarter pour former une vaste clairière.
Çà et là se dressent des formes vaguement humaines. Il y en a une dizaine. Certaines sont hautes de cinq à six mètres, d’autres moins de deux. Plus sombres encore que la forêt environnante, elles semblent littéralement être faites d’obscurité pure.
Je m’approche lentement de l’une d’elles. Un mélange de respect, de fascination et de peur superstitieuse enivre mon esprit. Je tends ma main pour effleurer l’objet. Je m’attends presque à être retenu par un mur de microturbulences. Mais non, mes doigts glissent sur une surface rêche d’apparence minérale, encore chaude de l’énergie solaire accumulée durant la journée. On dirait du béton projeté qui aurait subi durant des siècles les caprices de la météo. Par endroits, la pierre est recouverte de lichen, ce qui lui donne un aspect vivant plutôt angoissant.
Dans un état second, je passe d’une statue à l’autre, les explorant par le toucher, essayant de reconstruire l’image du modèle que le sculpteur a matérialisée dans son oeuvre. Il y a dans cet exercice un aspect sensuel auquel je n’aurais jamais pensé qu’un jour… une nuit, je me laisserais aller.
Là-haut, au sommet de la montagne, le dragon, peut-être sujet à des brulures d’estomac, crache une langue de feu anormalement puissante, inondant pour quelques secondes tout le paysage dans un éclair rubis.
L’inondation gagne également mon esprit, le plongeant dans un ébahissement où se mêlent l’enfer de Dante et la prémonition d’une Terre mourante sur le point d’être avalée par un soleil transformé en géante rouge.
L’obscurité est très vite de retour, encore plus pesante après cette vision fugitive de la clairière aux sentinelles entourée d’une vaste forêt qui s’étale sur les flancs du volcan, blessée par endroits par des coulées de lave. J’ai toutefois le temps d’apercevoir un élément qui m’avait échappé jusque-là. Au centre de la clairière se trouve un grand carré de béton, sur lequel flotte une sphère transparente d’environ un mètre de diamètre.
Intrigué, je m’en approche prudemment. La sphère est là, devant moi, émettant une lueur du même rouge que les crachats du dragon, mais dont l’intensité diminue rapidement. Ça devient une habitude, je ne peux m’empêcher de tester la consistance de la sphère en la touchant de la main. Celle-ci pénètre facilement sous la surface. Immédiatement, je repense au temple de la Brume dans le monde des zérogés. La consistance granuleuse de la sphère est similaire à celle de la surface du temple. La même sensation de picotement s’installe dans ma main. Pourtant, je ne la retire pas, je sais que ce n’est pas dangereux. Cette fois, j’observe avec curiosité et amusement les effets optiques à la surface. La trainée que produit ma main en mouvement s’illumine d’une lueur turquoise. C’est très joli. Je plonge l’autre main dans la sphère, essayant de produire des motifs plus complexes. Je me revois, petit enfant, réalisant mes premières expériences de physique en jouant avec l’eau de mon bain.
Il se passe quelque chose de bizarre. Je veux dire : de plus bizarre encore que de jouer avec une sphère de nature inconnue, au pied d’un volcan, plus de cinq siècles après ma naissance.
La leur bleutée semble maintenant émaner non plus de la sphère, mais à quelques centimètres de la surface. On dirait qu’il se forme une sorte de vapeur là où sont passées mes mains. Celle-ci s’étale lentement à la surface de la sphère puis, brusquement, se contracte en un point d’où jaillit un rayon émeraude qui va frapper une des sentinelles.
Sous l’effet de la surprise, je retire mes mains. Le rayon s’interrompt immédiatement.
– Wow ! Ça, c’est cool !
Je replonge mes mains dans la sphère et les agite frénétiquement afin de produire le plus possible de cette vapeur bleutée. Très vite, le rayon se reforme, mais atteint une autre statue. Je continue à agiter la surface. Un second rayon apparait, puis un troisième. Bientôt, il y a autant de rayons que de sentinelles. J’évite soigneusement d’entrer en contact avec les rayons. Il n’y a sans doute pas de danger, mais on ne sait jamais.
Soudain, des volutes multicolores s’enroulent autour des statues, les enrobant d’un cylindre de lumière. D’abord limités à la taille de leur sentinelle, les cylindres s’allongent progressivement et se lancent à la conquête de l’infini. Je suis totalement époustouflé. Je n’ai jamais rien vu de tel. Je reste là, immobile, les yeux rivés sur le ciel, sans me rendre compte que mes mains ont abandonné la sphère.
L’un après l’autre, les rayons s’éteignent. Puis, lentement, très lentement, la base des cylindres s’assombrit. Douze colonnes de lumière s’élèvent au-dessus d’une petite ile perdue au milieu de l’Océan Indien, emportant avec elles un message à l’univers dont seul l’artiste qui a créé cette oeuvre connait la teneur.
Les sentinelles, peut-être devraient-elles être renommées messagères, sont à nouveau plongées dans l’obscurité. Moi, je suis encore là-haut, accompagnant les tourbillons lumineux dans leur périple vers l’infini, rêvant qu’un jour elles rattrapent Rama et me permettent de retrouver Nielle. Soudain, un frisson de terreur remonte le long de ma colonne vertébrale et va se perdre au-dessus de ma nuque : une main vient de se poser sur mon épaule.
Je me retourne lentement ou d’un coup. Je suis incapable de le dire. Je suis dans un univers où la notion de temps n’existe pas. Avant même d’avoir fait demi-tour, je vois un monstre extraterrestre grouillant de tentacules verdâtres. Il est là pour m’emmener dans son vaisseau intersidéral et effectuer sur moi des expériences que même le maitre des enfers n’oserait envisager pour torturer ses clients. Peut-être veut-il simplement m’accrocher dans son garde-manger en vue d’un prochain festin.
Le temps reprend son cours. Le monstre qui me fait face a l’apparence d’une vieille femme appuyée sur un bâton aussi tordu qu’elle-même. Elle est vêtue d’une loque qui ne parvient pas à cacher une poitrine totalement desséchée. Une longue chevelure crépue entoure un visage noir tout chiffonné. Il ne manque que le chapeau pointu pour en faire le prototype même de la sorcière.
D’une voix chevrotante et suraigüe, elle me demande :
– Ou l’a pa vu mon ti Tikala ?
Cette voix, je l’entends en créole par mes oreilles, mais je l’entends aussi, comme en écho et en français, directement dans ma tête.
(Tu n’aurais pas vu mon petit Tikala ?)
C’est quoi un tiquala ? J’ai peur de lui avouer mon ignorance. En fait, j’ai peur tout court, peur de son apparence, peur de la nuit qui m’entoure. Une peur qui me vient des millions d’années d’évolution d’une bande de primates en lutte contre une nature qui, instinctivement, cherchait à se préserver du destin funeste que ceux-ci lui réservaient. Une peur qui m’empêche de formuler la moindre réponse.
– Tikala, c’est mon’ ti z’enfant. Un soir, lu l’a pas rentr’ la case et depuis c’ temps-là, mi rôde à lu partout. Mi crains que l’a arrive à lu un maler !
(Tikala, c’est mon petit-fils. Un soir, il n’est pas rentré à la case et depuis, je le cherche partout. Je crains qu’il ne lui soit arrivé malheur.)
Je ne réponds toujours pas.
– Un maler ki va sûr’ment frappe à ou si ou fé pas attention. Ou lé pas chez ou ici. Ou n’a rien à faire ici. Pou’coça ou lé v’nu ?
(Un malheur qui te frappera toi si tu n’y prends pas garde. Tu n’es pas ici chez toi. Tu n’as rien à y faire. Pourquoi es-tu venu ?)
Là, je me sens agressé. Je dois répondre.
– Si je suis venu à La Fournaise, c’est parce que l’on m’y a invité. Mais qui es-tu pour me dire ce que j’ai à faire ?
Je ne sais pas si mon intention était de la frapper, mais je lance mon poing dans sa direction. Mon bras la traverse comme si elle n’était pas là. Un hologramme ! Une fois de plus, je me suis fait berner par une illusion technologique. Une illusion, toutefois si convaincante, que je continue à jouer le jeu. Je reprends sur un ton méprisant :
– Ah ! Tu n’es qu’un nouvel aspect de cette oeuvre d’art. Jusqu’ici, je la trouvais merveilleuse, fascinante. Mais là, ça devient pathétique. Un bête conte pour enfants. Je suis particulièrement déçu.
La sorcière semble ne pas apprécier du tout mes critiques. Son apparence devient encore plus terrifiante. Ses cheveux s’électrisent, on dirait que ses yeux deviennent lumineux et sa bouche forme un rictus laissant deviner quelques rares chicots. Sa voix semble venir de partout.
– Quoi ki vé dire ça, que ou ose prend’ Grand-mère Kal pou ène simple mortel ? Ou doi savoir que moin l’été su cett’ ile bien avant que l’volcan i d’cende trois fois ces espèces statues et bien avant aussi que ou plonz dan’ ravines du temps.
(Comment oses-tu réduire Grand-Mère Kal au délire d’un simple mortel ? Sache que je hantais cette ile bien avant que le volcan n’engloutisse par trois fois ces ridicules statues et bien avant, aussi, que tu ne plonges dans les ravines du temps.)
Mes facultés de discernement sont mises à rude épreuve. Je commence presque à croire à la réalité de ce fantôme. Mais si elle n’est pas un gadget informatique lié au Réseau, comment sait-elle que je viens d’un lointain passé ? Saurait-elle lire dans mon esprit ? À moins que tout cela ne soit que l’improbable produit de mes propres élucubrations ?
Elle brandit son bâton dans ma direction. Sous la menace, je recule prudemment et pénètre involontairement dans la sphère transparente. Une énorme bouffée de vapeur bleutée se forme autour de moi, mais est rapidement attirée en direction de la vieille. Celle-ci est bientôt enveloppée dans un cocon de lumière qui la cache à ma vue.
La vapeur finit par se dissiper. Je n’en crois pas mes yeux. C’est bien la même femme qui est devant moi, mais sans les ravages que le temps inflige à ses victimes. Comment décrire sa beauté, ses seins bien fermes soulevant une robe simple taillée dans une toile grossière, si ce n’est pour dire qu’à part son teint d’ébène, elle est la copie conforme de mon amour perdu ?
– Nielle ? C’est bien toi ? Comment est-ce possible ?
Elle répond d’une voix douce.
– Non, moin lé pas ce Nielle qui pèse su ot’ cœur. À moin, cé Kalla. Longtemps longtemps, moin l’été ène esclave méprisée par mes maitres, mais respectée par mes camarades. À c’t heure, moin lé seulement ène légende.
(Non, je ne suis pas cette Nielle qui encombre ton coeur. Mon nom est Kalla. Il y a bien longtemps, j’étais une esclave méprisée par mes maitres, mais respectée par mes compagnons d’infortune. Maintenant, je ne suis plus qu’une légende.)
– Tu es un fantôme ?
– Fantômes y existent pas. Légendes fantômes y donnent à moin ène semblant réalité. Mais parfois mi gaingn’ montre à moin aux vivants dan’ conditions particulières, là où n’en a d’magie, d’mystère ou d’malhèr. Malhèr, n’a presque plus à c’te heure. Cé pouquoi un lieu comme ici même lé bon pou mon apparition. Ici n’en a ène ambiance gabier pour l’ouverture des esprits.
(Les fantômes n’existent pas. Ce sont les légendes de fantômes qui me donnent un semblant de réalité. Encore que je ne puisse me manifester aux vivants que dans des conditions particulières, là où règne la magie, le mystère ou le malheur. Du malheur, il n’y en a plus guère à l’heure actuelle. C’est pourquoi un lieu comme celui-ci est assez propice à mon apparition. Il y règne une ambiance exceptionnelle favorisant l’ouverture des esprits.)
Je n’aime pas trop cette histoire d’ouverture des esprits. Elle a un relent de magie, d’obscurantisme, d’endoctrinement. Mais je ne vais pas le lui faire remarquer, de crainte qu’elle ne se transforme à nouveau en vieille sorcière.
– Et tu viens hanter tous les visiteurs nocturnes de ces sentinelles ?
– Non ! Moin n’a pas qu’ça pou fé. Déjà moin l’a point assez d’temps pou cherche mon Tikala, alors si mi dois faire causette à toutes band’ rêveurs y vient ici…
(Non ! Je n’ai pas que cela à faire. Je n’ai déjà pas assez de temps pour rechercher mon Tikala, alors s’il me fallait faire la causette à tous les rêveurs qui viennent ici…)
– Ha ? Et que me vaut l’honneur de ce privilège ?
Elle penche la tête sur le côté pour me jauger d’un autre angle et esquisse un sourire songeur.
– Lé pas souvent y croise voyageur du temps. Ca lé la curiosité que l’a pousse à moin pou rencont’ à ou.
(Il n’est pas fréquent de croiser un voyageur du temps. La curiosité m’a poussé à te rencontrer.)
– Et comment le sais-tu que je suis un… voyageur du temps ?
– Légendes vivent dan’ l’esprit des vivants. Y apprend un bon pé d’choses étonnantes.
(Les légendes vivent dans l’esprit des vivants. On y apprend des tas de choses étonnantes.)
– Oh !? Et qu’as-tu appris d’autre à mon sujet ?
Son expression devient sévère.
– Zot’ place lé pas ici. Ou dois retourner là-bas dans vot’ monde dan’ vot’ temps.
(Ta place n’est pas ici. Il te faudra retourner chez toi, dans ton époque !)
– Oui, bon ! Ça, je le sais et je ne demande pas mieux. Mais tout le monde me dit que le voyage vers le passé est impossible.
– À moin, mi dis pas ça.
(Moi, je ne le dis pas.)
– Bien ! Et selon toi, comment est-ce que je ferai pour retourner dans le passé, vers mon présent ?
– L’avenir y ça dire à ou !
(L’avenir te le dira !)
– Cool ! J’étais arrivé à la même conclusion. Et c’est tout ce que tu as appris ?
– Non ! Moin l’a vu… mi vois un grand zoiseau qui vole entr’ band’ zétoiles !
(Non ! J’ai vu… je vois un grand oiseau qui vole entre les étoiles !)
– Rama ? Tu as vu Rama ? Est-ce que moi, je reverrai Nielle ?
– Ou va revoir à elle, mais ça aussi, y lé musique d’avenir. Le zoiseau mi parle à ou lé rev’nu dans son nid après long voyaz.
(Tu la reverras. Mais ça aussi c’est de la musique d’avenir. L’oiseau dont je te parle est revenu au nid après une très longue migration.)
Je voudrais l’interroger sur mes futures retrouvailles avec Nielle, mais je doute qu’elle accepte de m’en dire plus.
– Le Santa-Maria, c’est cela ?
Elle ne répond pas directement à ma question.
– Ses zeuf y ça va bientôt éclore, tout’ sauf ène. Trembleur l’a laisse son âme autour ène aut’ zétoile. D’aut’ y ça bientôt libère la zot’.
(Ses oeufs vont bientôt éclore, tous, sauf un. Le trembleur a laissé son âme autour d’une autre étoile. D’autres libèreront prochainement la leur.)
– Tu vois tout cela dans mon esprit ? Comment se fait-il que moi, je ne puisse le voir ?
– Es-que sans glace ou s’rais seul’ment capab’ voir vot’ figure ?
(Es-tu seulement capable de voir ton visage sans l’aide d’un miroir ?)
Je renonce à une réponse par trop évidente. Et puis, je commence à avoir un sacré coup de barre. Il doit être bien tard. Sans y réfléchir, je lui demande :
– Grand-Mère Kal, kèl er i lé ?
Elle me répond:
– Minuit!
Redevenue vieille sorcière, elle éclate de rire et se jette sur moi. Avant de m’atteindre, elle se transforme en oiseau, frôle ma tête et disparait dans la nuit en criant « Tôouuu », « Tôouuu ».
Autour de moi, il n’y a plus que la nuit. Les sentinelles sont là, mais se cachent derrière un voile d’obscurité. La sphère ne se manifeste que par le reflet fugitif d’une étoile ou l’autre à sa surface. Seuls les crachats du volcan me rappellent que je suis sur une planète et non pas perdu dans l’immensité qui sépare les galaxies.
Il est temps de rentrer. Où est le chemin qui m’a amené ici ? Si le volcan est là, alors le chemin doit être par ici. Je me dirige dans cette direction, non sans une certaine crainte de m’être perdu. À peine ai-je fait quelques pas qu’une flèche verte s’illumine sur ma droite, m’indiquant la voie à suivre.