Les Pléiades.Une montagne au dessus de Vevey. Également une petite constellation située entre Persée et le Taureau, en bordure de la Voie Lactée.
Les Pléiades sous les pieds et les Pléiades au-dessus de la tête.
Pas un bruit. Rien que le silence de la nuit. On pourrait se croire à des milliers de kilomètres de la civilisation, si la brume flottant au sud et à ouest n’était illuminée par les lumières des cités bordant le lac Léman. Un très fin croissant de lune cendrée dévoile un décor fantomatique fait de pâturages et de sapins.
Un cube de pierres surmonté d’une croix de bois marque le sommet de la montagne.
Un bon appui pour une paire de jumelles.
Au sud, la grande constellation d’Orion. Si on la regarde de face, on aperçoit un grand losange avec un alignement de trois étoiles en son centre. Regardons-la de travers, on remarque alors une tache brillante, la belle nébuleuse d’Orion. Le système visuel humain est ainsi fait que certains aspects des choses ne sont pas visibles si on les regarde de face.
Au nord, la Grande Ourse. A l’est, un gros point orange vient de se lever au dessus des Rochers de Naye: La planète Mars.
Mais c’est au nord-ouest que se trouve la vedette de ce printemps précoce: Arrivant des tréfonds de l’espace, sans doute lancée par quelque génie cosmique, une grosse boule de neige sale vient rendre une courte visite au soleil et à son cortège de planètes. Après des milliers d’années passées dans le froid d’une nuit bien plus profonde que celle qui règne actuellement sur cette montagne, elle se réchauffe rapidement à la lumière de l’étoile de nos jours. La transpiration l’invite à se débarrasser d’une partie de ses vêtements d’hiver.
C’est ainsi qu’elle déverse dans l’espace d’impressionnantes quantités de vapeur d’eau et de poussières que le vent solaire transforme en une queue majestueuse. Le spectacle merveilleux offert par une comète n’est malheureusement plus accessible aux habitants des villes modernes s’ils ne font pas l’effort de se rendre dans les rares endroits où la nuit est encore vraiment noire.
Dans quelques semaines, notre visiteuse sera plus haute dans le ciel et plus proche du soleil. Le spectacle devrait être encore bien plus grandiose.
Pour l’instant, la comète s’enfonce lentement dans la brume et perd de son éclat. Il est temps de rentrer.
Dix petites minutes de marche jusqu’à l’endroit où a été abandonnée la voiture. La lumière diffusée par la lune permet juste de deviner où se trouve le chemin, lorsqu’il n’est pas recouvert par quelque plaque de neige résiduelle.
Les virages succèdent aux virages sur cette route de montagne. La prudence est de rigueur. Heureusement, la circulation est pratiquement nulle à cette heure.
Sur la montagne, le ciel était parsemé d’étoiles bleutées, froides. Ici, l’espace entre le lac et la montagne est couvert d’étoiles blanches, oranges et jaunes, alignées en constellations étranges révélant le tracé des rues de l’agglomération veveysanne.
Soudain, une silhouette s’engage sur la route, à la limite de la zone éclairée par les phares. L’animal s’immobilise au milieu de la chaussée, hypnotisé par la vive lumière qui se précipite sur lui.
Ralentir. L’animal est chez lui. La voiture et son occupant ne sont que de passage sur son territoire. Un éclair doré illumine les yeux du renard, qui, prenant conscience du danger, se réfugie dans les fourrés.
A la route de montagne a succédé l’autoroute. La fine brume lumineuse ne laisse percevoir dans le ciel, que la lune et les étoiles les plus brillantes. A l’avant, proche de l’horizon, seul un oeil avisé peut identifier la vague tache laiteuse comme étant l’une des plus belles comètes de cette fin de siècle.
Ce texte a été écrit le mercredi 12 mars 1997.