Démocratie, féodalisme ou monarchie élective ?

Citez-moi quelques exemples de démocraties qui fonctionnent ! Allez, ne soyez pas timides !
J’imagine que la grande majorité de vos réponses comporteraient la plupart des pays européens et d’Amérique du Nord. Ce sont ceux qui ont la plus longue tradition démocratique. De nombreux autres pays s’essayent à ce mode de gouvernance avec plus ou moins de succès. Mon but n’est pas de faire un classement, mais juste de poser la question suivante : quelqu’un a-t-il inclus dans sa liste une entité autre qu’un état ? Toi, toi ou toi ? Alors, merci de m’en faire part dans un commentaire pour qu’on puisse développer la question.
Un des éléments clés de ma réflexion sur la démocratie est que même dans les pays où la tradition démocratique est la plus développée, celle-ci ne couvre pas tous les aspects de la société. Y a-t-il un seul pays qui dispose d’une armée ou d’une police qui fonctionne sur un modèle démocratique ? Dans combien de pays les entreprises sont-elles dirigées démocratiquement ? À ma connaissance, la réponse à la première question est non, celle de la seconde est aucun.
Le sentiment d’évidence ou au mieux de fatalité face à ces réponses négatives que ressentent la plupart des gens constitue la meilleure démonstration de mon propos. Même si l’on a la certitude que la démocratie constitue le mode de gouvernance le plus juste, il est rare d’entendre suggérer que dans les armées, on devrait élire les officiers. Quant à l’économie, j’ai entendu des chefs d’entreprises affirmer le caractère démocratique du système boursier : une action, une voix. Ceux-ci évitent soigneusement d’ajouter : un million d’actions, un million de voix, même si celles-ci sont détenues par une seule personne. Faudrait peut-être donner des cours d’étymologie dans les HEC.
Le principe de la démocratie représentative constitue certes un pas important, mais ce n’est qu’un premier pas dans une démarche de démocratisation. Nos sociétés dites modernes ne se démarquent pas encore fondamentalement d’un ordre féodal. Y a-t-il une différence entre une démocratie représentative et une monarchie élective ? Vous trouvez cette comparaison choquante ? Mais il s’agit bien de cela. Le principe même de la représentativité est que le souverain (les citoyens) délègue son pouvoir à des représentants élus qui s’occuperont de tout durant un certain laps de temps. Les citoyens n’ont plus leur mot à dire, jusqu’aux prochaines élections. Les élus doivent certes agir dans le cadre d’un état de droit, mais comme les lois sont proposées, adoptées et mises en application par ces mêmes élus, les possibilités de dérives sont triviales.
Il y a bien ce petit inconvénient de devoir rendre des comptes à la fin du mandat si l’on compte se représenter. J’ai cru comprendre que, pour y remédier, certains politiciens entretenaient des liens privilégiés avec ces formateurs d’opinions que sont les religions et les médias. L’argent ne fait pas l’élection, mais il y contribue.
Dans les démocraties semi-directes, un pas supplémentaire est fait en permettant à un groupe de citoyens de demander un vote pour s’opposer à une loi votée par le parlement ou pour proposer une loi nouvelle ou une modification de la constitution (en Suisse, on appelle cela droits de référendum et d’initiative). Ce pas supplémentaire n’est pas négligeable, loin de là, mais il souffre du même problème de collusion avec les formateurs d’opinion.
La démocratie directe a pour ambition de confier l’élaboration, l’adoption et la mise en application de toutes les lois directement par le peuple. De nombreux modèles de démocratie directe ont été proposés, mais tous se sont heurtés à un problème insurmontable : comment concilier les avis de millions d’individus et aboutir dans un temps fini à des décisions qui puissent être acceptées par tous, ou à défaut, au moins respecter les droits de chacun ? Le 19e siècle a été très fécond en théories et expériences démocratiques. Il en est toujours ressorti que les modèles de démocratie directe peuvent fonctionner pour des groupes de tailles réduites, mais qu’au-delà de quelques centaines de citoyens, ils devenaient inopérants en raison de la difficulté à gérer la diversité et les conflits des points de vue, sans parler de simplement échanger et partager les arguments d’un si grand nombre d’individus. Les seuls modèles fonctionnels étaient ceux qui faisaient le compromis de conserver la hiérarchie des pouvoirs héritée du système féodal. Un compromis douloureux, mais qui, à l’époque, paraissait inévitable.

Et si, à partir des technologies de l’information dont nous disposons actuellement, on développait une technologie de la démocratisation pour passer outre à ces limites ? Ha, haa ! je vois déjà vos sourcils se froncer de méfiance, et vos cheveux se dresser sur vos têtes.

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