Le monde est plein à craquer

Cette entité que l’on appelle Dieu aurait, il y a plusieurs millénaires de cela, donné l’injonction aux humains de « croitre et se multiplier, de remplir la terre et de soumettre la nature » ou quelque chose comme ça. S’il y a un commandement divin que notre espèce a respecté à la lettre, c’est bien celui-ci. Et avec quel succès ! Mais maintenant, ça y est ! Le monde est plein, archi plein, et la nature est, du moins provisoirement, soumise.

Ceux qui ont pour la première fois couché cette injonction sur papier, papyrus ou parchemin, avaient-ils seulement la moindre idée du nombre d’individus qui en résulterait ? Avaient-ils imaginé que pour parvenir à cette soumission du naturel, cette espèce qui se dit humaine en viendrait à exterminer systématiquement toutes les espèces vivantes qui ne lui sont pas d’une utilité immédiate ? J’en sais rien.

Par contre, nombreux sont nos contemporains qui pensent que si c’est le prix à payer pour que l’économie puisse continuer sa croissance, alors ce prix vaut la peine d’être payé. Ce prix étant d’ailleurs soumis aux lois naturelles du marché, il s’agit d’un prix juste qui ne peut être sujet à contestation. Raisonnement imparable, générant sa propre justification comme le font tous les dogmes.

La croissance, telle que la vénèrent les adeptes de l’économie de marché, est exponentielle. Mathématiquement, une courbe exponentielle tend rapidement vers l’infini. Or, le monde réel s’accommode très mal avec l’infini. Tôt ou tard, émergent des phénomènes de saturation. Prenons un exemple très simple, la croissance démographique :
On a tous appris à l’école la forme idéale que devrait avoir la répartition d’une population selon les classes d’âge, la fameuse pyramide des âges. Il n’y a que deux façons de maintenir cette forme idéale :

  1. Dans une population globalement stable, il faut une mortalité significative dans toutes les classes d’âge. Ce modèle qui prévalait avant la révolution industrielle ne fonctionne plus dans les sociétés modernes disposant d’une médecine efficace.
  2. En l’absence d’une mortalité importante, la base de la pyramide doit s’élargir constamment. Ce qui implique une croissance exponentielle de la population.

Imaginons maintenant une belle planète bleue et verte, habitée par une espèce animale qui place la belle pyramide des âges en tête de ses préoccupations et disposant d’une médecine efficace. Durant de nombreux siècles, tout se passe bien, la population croit exponentiellement, mais la planète est vaste. Puis un jour, il apparait que la planète est pleine. Tous les individus se touchent. Il n’y a plus la place pour en ajouter un seul. La planète est saturée.

Les sages se concertent afin de trouver une solution. Il est proposé que chaque individu prenne un des ses semblables sur son dos. Un rapide calcul montre toutefois que cette deuxième couche serait pleine en bien moins de temps qu’il n’en a fallu pour remplir la première. Et chaque nouvelle couche serait elle aussi remplie en moins de temps. Pire encore, en quelques millénaires, la masse totale de la planète serait entièrement convertie en individus avides de maintenir une belle pyramide des âges. Une fois encore, la malédiction de la saturation a frappé.

Laissons maintenant nos malheureux amis se dépatouiller tout seuls et observons ce qui se passe sur notre planète à nous. Certes, nous n’en sommes pas encore à nous marcher sur les pieds (quoique certains jours, en ville…), mais les phénomènes de saturation s’intensifient de jour en jour : pollution, CO2, trou dans la couche d’ozone, pénurie d’eau potable, prix du pétrole, menace sur la biodiversité et j’en passe.

Il est désormais évident que la croissance démographique doit être stoppée. Et ne devrait-on pas également réduire la population à un niveau plus raisonnable ? Si oui, lequel ?

Paradoxalement, alors que de nombreux pays s’interrogent (ou pas) sur les moyens à mettre en oeuvre pour maitriser leur démographie, d’autres s’inquiètent d’une baisse de la natalité, du vieillissement de la population, du non-renouvèlement des générations. C’est vrai, quoi ! Si on a pas une belle pyramide des âges, qui va payer nos retraites ? Et puis, n’oubliez pas : la croissance, il n’y a que ça de vrai !

Ce qui m’est incompréhensible, c’est que dans la situation actuelle, on parle de programmes de relance de la natalité. Et même certains écologistes abondent dans ce sens.

Pour terminer (provisoirement) sur ce sujet, je soumets ceci à votre réflexion : Il y a environ un an, le débat éthique à la mode était de savoir s’il était acceptable de concevoir un enfant afin qu’il puisse servir de source d’organes ou de cellules souches pour un grand frère ou une grande soeur victime de maladies génétiques. Le consensus qui en était issu était que non, ce n’est pas acceptable. Cela étant, est-il alors acceptable de concevoir des enfants dans le seul but de payer les retraites des générations précédentes ? Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque l’on parle de relancer la natalité !

Souvenons-nous que nous ne sommes pas propriétaires de cette planète. Nous n’en sommes que colocataires !

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