En 1950, lors d’un repas entre collègues où la discussion portait sur la possibilité de vie extraterrestre, le physicien italien Enrico Fermi posa la question : – Mais où sont-ils donc ? Si une civilisation extraterrestre maitrisait le voyage dans l’espace, celle-ci devrait coloniser l’ensemble de la galaxie en seulement quelques millions d’années. Si l’on admet que la vie est relativement répandue dans l’univers, la galaxie devrait être totalement colonisée actuellement. Dans ce cas, comment se fait-il qu’ils ne soient pas ici et maintenant ? C’est ce que l’on appelle le paradoxe de Fermi.
Quel est le rapport avec ce blog centré sur les difficiles relations de l’espèce humaine avec son environnement ? C’est que parmi les réponses envisagées au paradoxe de Fermi, celles portant sur les possibilités de survie des civilisations technologiques sont parfaitement en phase avec les préoccupations actuelles. Pour simplifier, ces hypothèses concluent que si les extraterrestres ne sont pas là aujourd’hui, c’est parce qu’il n’y a pas de civilisation galactique, et cela, parce que les sociétés technologiques ne peuvent pas survivre assez longtemps pour entreprendre cette colonisation. Une telle perspective est, reconnaissons-le, particulièrement angoissante. L’absence des extraterrestres impliquerait que l’humanité devrait inéluctablement disparaitre dans les siècles à venir.
Refusant un tel fatalisme, certains ont émis l’hypothèse que si nous n’avons pas été colonisés, c’est parce que les civilisations extraterrestres ont échappé aux pulsions guerrières ou tout au moins ont su les maitriser assez tôt dans leur évolution ; que par la suite, dans leur développement galactique, elles aient eu un comportement respectueux des mondes en voie de développement.
Cette hypothèse est toutefois qualifiée d’angélique, que seuls quelques niais pacifistes pourraient soutenir. J’avoue faire partie de cette catégorie d’utopistes. Cette hypothèse ne peut toutefois pas tenir debout, car même si au sein de millions de planètes pacifistes, une seule civilisation décidait de conquérir la galaxie, elle l’occuperait rapidement, en quelques millions d’années.
Jusqu’à la fin des années 70, la cause probable d’une possible disparition de l’humanité était attribuée à une guerre atomique. Il y a en effet dans nos arsenaux largement de quoi rendre notre planète franchement inhospitalière. La question de la survie de l’humanité se réduisait à la simple question : serons-nous capables d’établir une ou deux colonies autonomes sur d’autres planètes du système solaire avant le déclenchement du feu d’artifice ultime sur Terre ?
Sans que la menace d’un conflit nucléaire ait totalement disparu, il apparait aujourd’hui que la menace réelle est d’ordre environnemental. L’explosion démographique, ainsi que les pollutions et la destruction de la biodiversité qui en résultent, entraine la planète vers une nouvelle grande extinction à laquelle nous aurons beaucoup de peine à échapper.
Il est peut-être encore temps d’empêcher le grand cataclysme, mais pour cela, il est impératif que nous changions radicalement et très rapidement notre rapport avec notre environnement. Nous devons laisser de la place pour les autres espèces avec qui nous partageons cette planète. Nous n’y parviendrons que si nous acceptons de réduire drastiquement la population mondiale. Nous devrons également mettre l’essentiel de nos efforts sur la réparation des dégâts occasionnés par notre inconscience.
Si nous survivons, pas seulement en tant qu’espèce, mais également en tant que biosphère, un accès à l’espace pourrait s’envisager dans une tout autre perspective. Ce ne serait pas l’homme qui partirait à la conquête de l’univers, mais la vie qui se répandrait en dehors de son berceau. En quelque sorte une Éclosion.
Y a-t-il une réelle différence entre cette vision bucolique et une conquête belliqueuse ? À mon avis oui, car si la terraformation de planètes dénuées de vie peut être considérée comme une action positive, il n’en ira pas de même lorsque nous serons confrontés à des systèmes planétaires au sein desquels la vie se sera développée de manière autonome. Angélisme ? Peut-être, mais j’ai la conviction que ce que nous apprendrons lors de notre réconciliation avec notre planète nous mettra à l’abri de dérives biohégémonisme.
Le paradoxe de Fermi pourrait être reformulé ainsi :
Si d’autres civilisations aussi peu respectueuses de leur environnement que la nôtre existent dans l’univers, où sont-elles ? Pourquoi ne sont-elles pas ici et maintenant ?
Peut-être est-ce parce que ce sont ces civilisations-là qui ne peuvent survivre.
Souvenons-nous que nous ne sommes pas propriétaires de cette planète. Nous n’en sommes que colocataires !