Pour une économie utile à tous

Je viens de signer l’initiative fédérale intitulée « Pour une économie utile à tous ». Cette initiative propose de modifier la constitution fédérale afin de donner à la Suisse les moyens de légiférer en faveur d’une économie qui ne soit pas seulement dirigée vers la maximisation du profit des entreprises par une concurrence sans merci.
À la lecture superficielle de l’argumentaire des initiants et aussi à la vision de la charte graphique du site de l’initiative, on pourrait imaginer qu’il s’agit d’une tentative d’un simple retour au bon vieux temps issu du cerveau sclérosé d’un nationaliste étroit pris d’un vertige panique à la seule idée de jeter un œil au-delà des frontières naturelles qui nous séparent, nous braves Suisses aux bras noueux qui formons le seul peuple parfait à la surface de cette planète, de ces sauvages qui habitent là, au dehors. Etc.. Il n’en est rien!
Désolé pour cet accès de lyrisme ironique et sarcastique quelque peu déplacé !
Il est inutile de rappeler que nos sociétés capitalistes, qui n’ont d’autre perspective qu’une croissance continue et infinie de l’économie, vont droit dans le mur ou dans le précipice, suivant la métaphore préférée de chacun. Le gaspillage insensé des ressources qui mène à la catastrophe écologique qui se déroule devant nos yeux, ainsi que la concurrence infernale qui pousse les entreprises à réduire à tout prix les couts de leurs produits, en particulier au prix des salaires de leurs employés, allant jusqu’à les licencier pour les remplacer par des quasi-esclaves dans les pays non encore surindustrialisés. Je ne parle même pas de la farce de la crise de la dette des états qui pousse les gouvernements des pays qui s’en sortent à peine mieux que les autres à saigner ces derniers par des mesures d’austérité qui, non seulement les poussent à la faillite, mais réduisent leurs populations à la misère.
Le plus désespérant dans cette folie, c’est que les partis qui prétendent être motivés par le bien des populations en général, des pauvres en particulier et non seulement par celui des riches, ces partis, lorsqu’ils arrivent au pouvoir, n’ont plus qu’un seul mot à la bouche qu’ils répètent de manière hystérique : « La croissance ! La croissance ! Ce qu’il faut, c’est un retour à la croissance ! » Et pour ce faire, ils deviennent les meilleurs défenseurs de l’économie libérale et surtout de sa déviance moderne qu’est l’ultralibéralisme. Ils ont beau jurer à qui veut encore les entendre qu’ils ne laisseront plus les barons de l’économie fouler au pied le droit des populations à une vie digne, ce sont les premiers à baisser leurs culottes lorsque les barons en question leur soufflent en pleine face et avec mépris la fumée de leurs gros cigares.
Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent contre cet état de fait et revendiquent un changement de direction de nos sociétés avant qu’il ne soit trop tard. Peu en revanche avancent des propositions concrètes qui puissent vraiment changer notre trajectoire funeste. La plupart proposent des mesures ponctuelles qui, d’une part n’auront pratiquement aucun effet sur la direction générale de l’économie, mais qui sont également inapplicables, car le contexte législatif mis petit à petit et insidieusement en place par les tenants du néolibéralisme interdisent explicitement leur application, car contraire à la sacrosainte loi ultime et unique du marché.
Alors, nous reste-t-il une voie qui nous permette d’infléchir le cours des choses pour nous diriger vers un avenir que tout le monde pourrait dire qu’il vaille la peine de vivre ? J’entends déjà au loin, pas si loin que ça en fait, des voix qui entonnent le refrain bien connu : « La révolution ! La révolution ! Ce qu’il faut, c’est tout faire péter et reconstruire une société plus juste sur les ruines de l’ancienne ! » Mouais… Est-ce que ça a déjà marché une fois, ce truc-là ? Je suis peut-être, même probablement, mal informé, mais les seules révolutions qui n’ont pas fini dans le sang, ni été récupérées par d’autres profiteurs et oppresseurs, quand ce n’étaient pas les mêmes, ne sont que de petites pirouettes de palais qui n’ont de révolutionnaire que le nom qu’on leur a affublé dans le seul but de calmer la fureur de la populace. Quant aux révolutions dites des Œillets, de Velours ou de Jasmin, elles ne doivent leur apparent succès qu’au fait que le fruit était déjà bien mûr et qu’il avait suffi d’une petite brise pour le faire tomber. Dans le cas spécifique de la révolution de Jasmin, il est encore bien trop tôt pour savoir si elle peut être qualifiée de réussie ou si la dictature de Ben Ali ne sera pas simplement remplacée par une dictature islamique.
Alors, s’il y a une voie possible, quelle est-elle ? Vous avez deviné où je veux en venir : à l’initiative « Pour une économie utile à tous ».
Oui, oui : Elle ne concerne que la Suisse, ce petit pays où les habitants ont les bras noueux et se croient les meilleurs de tous (ceux qui vivent au nord du lac Léman disent même : « Y en a point comme nous »). Pour les autres, vous qui vivez là, au-dehors, je ne peux que vous encourager à vous en inspirer et à tenter de faire avancer l’idée par les moyens démocratiques dont vous disposez. Quoi ? Ça risque d’être difficile? Bien sûr, je le sais et ce n’est pas gagné en Suisse non plus. Il ne suffit pas de lancer une initiative pour qu’elle soit acceptée par le peuple. Au fait, vous êtes au courant qu’il existe dans l’Union européenne l’Initiative Citoyenne Européenne?
Hein ? Qu’est-ce que j’entends ? Si ce n’est pas bientôt finit ce blabla préliminaire ? Quelle est cette modification révolutionnaire fondamentale qu’elle propose ? Et bien, en une phrase : il s’agit de l’abandon pur et simple du libre-échange et du retour à un certain protectionnisme !
Je sais ! Au second paragraphe de cet article, je disais qu’il ne s’agissait pas d’un retour en arrière. Je disais surtout qu’il ne s’agissait pas d’un retour en arrière motivé par des considérations passéistes qui voudraient nous ramener dans la situation exacte d’un passé qui aurait été lui, parfait. Non, le but est bien de nous diriger vers une société plus respectueuse de ses membres. Et pour y parvenir, il ne suffit pas de foncer tête baissée en avant et de se dire que si l’on s’est trompé de chemin, le GPS nous trouvera bien une route, devant nous, qui nous mènera à destination. Si après s’être gouré, on se retrouve au fond d’une impasse, il n’y a alors d’autre choix que de faire marche arrière jusqu’à la dernière bifurcation avant de pouvoir s’engager sur une autre route.
Je ne vais pas ici résumer l’argumentaire des initiants, ni afficher les articles de la constitution helvétique qui sont l’objet de cette initiative. Si vous lisez ce texte, vous savez suivre les liens qui vous y mèneront. Vous y trouverez même les fichiers PDF à imprimer et signer si vous désirez la soutenir (à la condition, bien sûr, que vous ayez une croix blanche sur votre passeport).
Par contre, je tiens à préciser que bien que je soutienne en totalité les modifications proposées à la constitution fédérale, je ne me sens pas en harmonie parfaite avec l’argumentaire des initiants. Mais ça, c’est normal dans une société démocratique. C’est non seulement normal, mais surtout inévitable. Un accord parfait et unanime dans une société démocratique serait non seulement peu probable, mais surtout très inquiétant.
Allez ! Assez radoté pour aujourd’hui. Maintenant, c’est à vous de suivre les liens proposés, d’approfondir le sujet en fouinant dans vos bibliothèques ou au travers de votre moteur de recherche préféré et de vous faire vos propres opinions.

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