Les électeurs étasuniens ont choisi de suivre un Trump qui promettait des changements radicaux et non une Clinton qui défendait le statuquo.
Alors oui, du changement, il y en aura. Les promesses de Trump conduiront à encore moins d’impôts pour les superriches, à encore moins de soutien pour les plus démunis et à encore moins d’action contre la dégradation de l’environnement.
Est-ce vraiment ce changement-là que les déçus du système espèrent? J’en doute beaucoup.
Moi aussi, je pense qu’il fallait du changement, mais ce n’est pas du tout ce genre de changement auquel j’aspirais et auquel j’aspire encore.
Certains diront que parmi les promesses de Trump, il y a des points que je pourrais partager. Que nenni !
– Mais si ! Trump propose de jeter à la poubelle les nouveaux traités de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis et toi aussi, tu y es opposé, non ?
Certes, moi aussi, je m’oppose à ces traités, mais pas pour les mêmes raisons. Trump propose un repli nationaliste, alors que moi, j’aspire à un monde ouvert qui favorise toutefois une économie de proximité qui ne soit pas contrariée par des frontières absurdes [1].
– Et puis, Trump promet de ne plus intervenir militairement à l’étranger, de revoir l’importance de l’OTAN, voire de s’en retirer. Ça devrait te plaire, à toi qui te dis pacifiste !
Je n’ai à aucun moment entendu Trump proposer de réduire l’effort militaire étasunien, bien au contraire. Il promet certes de ne plus intervenir militairement à l’étranger sous le fallacieux prétexte de promouvoir la démocratie. La démocratie, il s’en moque éperdument, comme de la première de ses employées qu’il a licenciée parce qu’elle refusait ses avances. Par contre, je lui fais confiance pour intervenir partout où il le jugera nécessaire pour défendre les intérêts particuliers de son pays, si ce n’est les siens propres.
– Oui, mais… Le succès de Trump, c’est parce qu’il s’élève contre l’establishment, contre le milieu politique corrompu, contre Wall Street, etc. Là, je te connais, tu es d’accord avec lui, non ?
Je suis d’accord avec ça, mais pas avec lui sur ce point, car lui, il ne s’y oppose qu’en façade. Il n’est certes pas membre de l’establishment, quoique…
Il n’est certes pas un politicien corrompu, parce qu’il fait en réalité partie des corrupteurs.
Lui, anti Wall Street ? Laisse-moi rire ! Alors, même si sa fortune personnelle ne vient pas directement de Wall Street, il fait partie de cette nébuleuse d’investisseurs immobiliers qui ont fait leurs choux gras avec les subprimes. Les rumeurs, elles valent ce qu’elles valent, prédisent que Trump compte monter son administration avec ses amis qui se sont enrichis en expulsant tant d’américains de leurs logis.
– OK. OK. Mais Trump, il veut un état fort pour pouvoir aider les Américains moyens, non ?
Non ! Ça, c’est son blabla de campagne, mais dans les rares meetings où il a abordé son programme économique, il martelait qu’il allait drastiquement réduire les impôts des superriches et des grandes entreprises. Pour compenser, il prévoit de réduire tout aussi drastiquement tout ce qui relève de l’aide sociale. Il a même promis de supprimer le département de l’éducation au niveau fédéral pour reporter toute la responsabilité de l’éducation publique sur les autorités locales, biffant ainsi 20 milliards de dollars par an de financement de l’éducation. Alors, certes, la réputation des écoles publiques étasuniennes n’est pas folichonne, mais serait-il vraiment préférable que des millions de jeunes n’aient plus accès du tout à l’éducation, faute de pouvoir payer des écoles privées ? Sans même parler de sa volonté de supprimer Obamacare, l’assurance maladie qui avait enfin permis à des dizaines de millions de citoyens étasuniens de consulter un médecin.
Le populisme de Trump, c’est exactement le même que celui de l’UDC. En façade, on parle de soutenir le petit peuple, mais en pratique, les soi-disant représentants parlementaires des petites gens soutiennent activement toutes les décisions favorisant les nantis.
[1] Le problème à Genève, ce n’est pas les frontaliers, c’est la frontière ! Économiquement, toutes les villes ont besoin d’un «arrière-pays» fournisseur de main-d’œuvre et de denrées alimentaires. Or, à Genève, pour d’absurdes raisons historiques, cet arrière-pays se trouve de l’autre-côté d’une frontière. Cette frontière est la cause de toutes les disparités économiques (fiscalité, niveau des revenus, cout de la vie, etc.) qui nuisent aux bon fonctionnement des relations entre la ville et son arrière-pays. Il en va de même au Tessin. Le cas de Bâle est intéressant, car si le ressenti anti-frontaliers y est moins important, c’est justement parce que cette ville s’est efforcée depuis des décennies à gommer, tant que faire se peut, cette frontière.